25 avril 2013

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La fin du prêt-à-jeter ?


Un projet de loi visant à faire de l'obsolescence programmée un délit sera présenté le 2 mai au Sénat par les écologistes. Alors que l'on désespère de tirer 0.1% de croissance par la consommation, je crains que le projet n'aboutisse pas.

L'obsolescence programmée consiste à vous fabriquer des trucs jolis, pratiques ou indispensables, mais de qualité médiocre et rapidement foutus, ou pire, à prévoir leur autodestruction (quitte à foirer la programmation et provoquer un retour usine prématuré). 

Après la délocalisation quasi complète de secteurs industriels ou technologiques vers les pays à mieux-disant salarial, l'obsolescence programmée est une étape logique de la mondialisation.

Une fois que nous sommes devenus dépendants d'objets (high-tech et électroménager) n'étant plus fabriqués qu'à un ou deux endroits sur la planète (régulièrement changés pour encore moins cher) par une dizaine de constructeurs et de marchands, ceux-ci n'ont plus qu'à transformer peu à peu la nature et la cadence de nos achats. De l'acquisition de l'objet, on est ainsi passé à un abonnement ne disant pas son nom. L'obsolescence programmée est l'autre façon de faire sortir de l'argent à ceux qui ne peuvent plus s'endetter.

Je prends toujours l'exemple de mon ampli de 1975, avec ses enceintes made in France, livrée avec son schéma électrique en poster et qui marche toujours alors que je n'ai jamais pu conserver en état de fonctionnement correct un baladeur mp3 plus de 2 ans et quelques mois. Je prends ces des exemples car ils ont la même finalité et j'use autant l'un que l'autre.

Tu me diras, l'ampli valait peut-être un mois de SMIC à l'époque et le baladeur quelques jours de travail aujourd'hui. Le libéral me rétorquera que c'est ici le prix à payer (ou plutôt à ne pas payer) pour "la démocratisation des biens industriels de grande consommation"Stéphane Soumier sur son blog considère que "l'obsolescence programmée c'est fondamentalement la baisse des prix". Que ces choses sont dites avec délicatesse. C'est, à l'inverse, la réduction des coûts de fabrication et l’inondation des marchés mondiaux de produits à bas coût qui conduisent à l’obsolescence programmée et, au final pour le consommateur, à payer les choses plus cher puisque plus souvent. D'autant que ce mécanisme du sous-produit à destination des pauvres s'étend à de plus en plus de secteurs au-delà de l'électroménager (les meubles, la décoration, l'outillage, les jouets...). Pour S.Soumier, le consommateur est bien au fait du dumping salarial en place et il sait très bien qu'il achète de la came pourrie qui "tiendra ce qu’elle tiendra.". S'il a raison sur le fait que nos achats conditionnent les politiques des fabricants, et que sous leurs douches publicitaires (constituant une grosse partie du prix de l'objet) on l'oublie trop souvent, il a en partie tort sur le reste.


Le consommateur n'a souvent pas le choix. Comme je l'ai écrit plus haut, il n'est souvent plus question de "concurrence". Quelques constructeurs fabriquent aux mêmes endroits des produits programmés pour mourir vite et qu'ils pourraient d'ailleurs vendre encore moins cher en magasin (les grosses marges se faisant sur les prix de transfert entre filiales off-shore).

Si l’obsolescence programmée est le résultat de gains de compétitivité et de la réduction des coûts : où est le véritable bénéfice pour le consommateur ? (hormis la pulsion d'achat immédiatement satisfaite). 10.000 lecteurs DVD à 30 euros qui tombent en panne à la troisième lecture ne méritent pas la mention "démocratisation" mais un procès en class-action.[1]

"L'économie" ne tient pas dans la durée. Je reprends l'exemple de l'ampli et du baladeur : Un ampli à 1000 euros en 40 ans (en partie fabriqué en France), Un baladeur à 100 euros tous les 2 ans et 2 jours = 2000 euros en 40 ans (0% fabriqué en France). De plus, à la différence du baladeur serti dans sa coque plastique, l'ampli est facilement démontable, réparable pour pas trop cher. Étendons l'anecdote du baladeur à toute la baraque, du canapé à la cafetière, en passant par la chasse d'eau, le scotch qui ne scotche pas et le lave-vaisselle (il n'y a guère que les légumes bourrés de conservateurs qui durent un peu), et tu consacres un budget non négligeable à faire le réassort de bidules qui claquent en continu (ayant tous le point commun d'être fabriqués loin et compliqués à réparer).

De plus, si l'on applique à tous les secteurs la logique de l'obsolescence programmée, en plus de manger du cheval à la place du bœuf et de respirer à pleins poumons des nuages radioactifs (" -ah bah tu comprends les joints en plastique taïwanais étaient moins chers pour la centrale, man"), nous reviendrons vite à l'âge de pierre (ou plutôt de carton-pâte). J'ai le souvenir d'une époque pas si lointaine où progrès voulait dire progrès, ou avec le centième de la technologie actuelle on te construisait des trucs pouvant durer quarante ans.

Loi ou pas, la question de l'obsolescence programmée, et celle liée de la relocalisation industrielle, va se réinviter d'une façon ou d'une autre chez les constructeurs.

Sans évoquer la question écologique, j'en ai juste marre d'acheter des choses qui marchent mal, ou meurent au bout de 24 mois. Comme dirait l'enseigne de vente high-tech qui tourne de l'oeil "le contrat de confiance" est rompu. Çà, plus le sous-effectif systématique aux caisses dans les grands magasins (l'attente du client est de ces rares "charges" que les enseignes n'ont pas à régler et dont elles abusent allègrement), comme beaucoup d'autres, je m'éloigne progressivement de cette consommation[2]. C'est presque moins une question de pognon que de simple dégoût d'acheter du prêt-à-jeter. Si la démocratisation de la consommation doit passer par le médiocre alors il vaut mieux pour le consommateur refuser cette "démocratisation" là. 


[1] Il est étonnant qu'il faille un permis de construire pour éviter que les maisons ne s'écroulent, un code de la route pour éviter de rouler sur la mauvaise file, mais pas un encadrement plus strict de la vente de produits avec une certificat de qualité.

[2] enfin bon, nul n'est parfait, hein.

Article connexes :
- L'escroquerie institutionnalisée
- Le vent de la liberté (saveur pomme)
- Ipad et conséquences

Illustration

14 comments:

Anonyme a dit…

Tout à fait d'accord !
Donc, ce Stéphane machin est :
Petit 1 : Un enculé mondain.
Petit 2 : Une mondanité qui mérite des baffes.
Petit 3 : Un con fini.
Petit 4 : Un cynique de première.
Petit 5 : Un doux rêveur libéral qui souhaite les bonheur des pauvres par la contrainte (parce qu'ils sont incapables de voir le bien qu'on leur fait par eux-mêmes)
Petit 6 : Mère Thérésa

Toutatis a dit…


Elle marche toujours après 112 ans l'ampoule...

http://www.centennialbulb.org/cam.htm

Pwet-Pwet a dit…

Il faut surtout augmenter les salaires et aides sociales, pour que les gens soient moins tentés d'acheter de la merde pas chère...

Mais le "débat" sur l'obsolescence programmée détourne complètement l'attention de ce problème central, qui est en fait à l'origine du problème de la durabilité des produits. Les fabricants ne vont pas s'amuser à produire des choses que les gens n'achèteront pas (qui exactement a suffisamment d'économies pour s'acheter un ampli à 1000 euros + un lecteur de DVD à 1000 euros + un lave linge à 10000 euros + un smartphone à 1000 euros + un ordinateur à 10000 euros ... ?)

Mais pendant qu'on blablate sur un soi-disant complot que personne n'est capable de prouver (sinon, les procès pour vice caché seraient légion), on ne parle pas d'une revalorisation du SMIC.

On se demande bien qui ce débat arrange en réalité.

ZapPow a dit…

Il y a un autre problème qui vient se greffer sur celui de l'obsolescence programmée, que j'espère que cette loi, même si elle ne passe pas, abordera, histoire de lancer au moins un petit avertissement : celui de l'obsolescence programmée par les vendeurs, autrement dit le problème des différences de garantie entre fabricants et vendeurs, auquel je me suis trouvé confronté avec divers appareils qui ne sont plus fabriqués qu'en Chine, à Taiwan, ou, plus exotiquement en Malaisie. Quand vous achetez un de ces appareils, qui peuvent être garantis deux ans par le constructeur (argument de vente chez le vendeur), mais que la garantie du vendeur n'est que d'un an, ou même de six mois, ça veut dire que si votre truc rend l'âme avant les deux ans, c'est à vous de régler le problème avec le constructeur, c'est-à-dire d'expédier l'engin à perpète, à vos frais, pour vous le faire remplacer, ou rembourser (ha ha). Donc, le plus simple, c'est d'acheter un nouvel appareil.

Toutatis a dit…

Il y a maintenant des moyens d'effectuer des réparations de manière non officielle, non commerciale. Elles sont le fait soit d'associations soit simplement d'entraide. Des méthodes de réparation circulent sur internet et sont souvent suivies massivement, comme le montrait une récente émission de FR3 (dont je ne me souviens plus le nom) consacrée presque entièrement aux condensateurs défectueux sur les écrans plats Samsung. La méthode "officielle" de traitement de ce problème consistait soit à mettre l'appareil à la poubelle (et acheter un neuf) soit à faire une réparation à prix prohibitif (quelques centaines d'€). L'info qui circulait consistait à démonter la carte d'alimentation (ça ne semblait pas très difficile) et à l'emmener dans un magazin de composants où on changeait le condensateur, pour un coût total de moins de 30€.
Un autre reportage plus ancien (France 2) montrait un test de dépannage d'un lave-vaisselle, où on avait simplement débranché un fil à l'intérieur. On avait soumis le problème à des réparateurs de grandes chaines de distribution. Un seul avait trouvé la panne et réparé (au bout d'une heure). Les autres avaient conclu à la nécessité de remplcer le lava-vaisselle. Il semble bien qu'en plus de la tendance à refuser de réparer qui est manifeste, on assiste aussi à une perte des savoir-faire. Reste plus qu'à s'organiser en associations ou sites internet.

Directix a dit…

Sur l'ampoule de livermore et la limitation de la durée de vie des ampoules à 1000h il y a des opinions plus contrastées :

http://www.drgoulu.com/2011/10/16/la-veritable-histoire-de-lampoule-de-livermore/

L'obsolescence programmée peut parfois être tout à fait rentable pour le consommateur...

Anonyme a dit…

@PwetPwet :

"Il faut surtout augmenter les salaires et aides sociales, pour que les gens soient moins tentés d'acheter de la merde pas chère..."

Non, même dans le haut de gamme l'obsolescence programmée est de mise. Et d'ailleurs on oublie souvent que la majorité de l’obsolescence programmée n'est pas dans les produits, mais dans les modes induites par la publicité (ringardiser le produit conçu il y a 5 ans pour en refourguer un nouveau. Apple fait ça très bien.)


"Mais le "débat" sur l'obsolescence programmée détourne complètement l'attention de ce problème central, qui est en fait à l'origine du problème de la durabilité des produits. Les fabricants ne vont pas s'amuser à produire des choses que les gens n'achèteront pas (qui exactement a suffisamment d'économies pour s'acheter un ampli à 1000 euros + un lecteur de DVD à 1000 euros + un lave linge à 10000 euros + un smartphone à 1000 euros + un ordinateur à 10000 euros ... ?)"

C'est tout l'enjeu : on n’achètera moins. Moins de consommation, moins de pollution, plus de lien social. Et une économie relocalisée, avec un temps de travail forcément réduit (moins de production nécessaire).

Ganlanshu a dit…

Le terme obsolescence programmée est un peu abusif. J'ai travaillé pendant plusieurs années comme concepteur de produits d'électronique grand public. Dans ce domaine, le principal objectif est le plus bas coût. Pourquoi utiliser un composant plus cher qui va durer 5 ans alors que que votre produit n'est garanti que 18 mois ? Donc on s'assure que le lecteur DVD va tenir la durée de la garantie, et c'est tout. Un produit conçu pour durer 10 ans serait 20% plus cher et ne se vendrait pas.

Le jour où la durabilité sera un argument de vente, ça changera, mais ce n'est pas le cas aujourd'hui.

Dans certains cas les produits sont réparables, mais souvent la mort d'un composant va entraîner en cascade la destruction du produit.
La fameuse histoire des ampoules est ridicule. Les vieilles ampoules qui duraient longtemps avaient un filament moins chaud, et donc éclairaient très mal. Il y avait un compromis à faire entre durée et rendement lumineux. Le choix de 1000h n'est pas idiot.

Et j'approuve à 100% : il suffirait d'établir des normes de durabilité : pas de marquage "CE" si vous ne justifiez pas 5 ans de durée de vie par exemple.

Ca se fait déjà dans les domaines autres que grand public. 5 ans dans les telecom, 10 ans dans les transports, 20 ans dans le militaire.

Anonyme a dit…

Ma voiture a 13 ans, très peu d'électronique, 184000 km et autant à parcourir.
Mon téléphone portable c'est un vieux truc avec le jeu snake, 10 jours d'autonomie, résiste aux chocs, aux chantiers sur lesquels je bosse et surtout au temps.
Mon ordi un vieux pc portable qui a 5 ans et qui ne montre aucun signe de ralentissement.
Mes platines vinyle, déjà 20 ans et increvables (les fameuses MK2).
Je ne vis pas avec mon temps, n'ai pas de i phone ni d'appareils bourrés de gadgets censés m'aider à ne plus réfléchir et à aller toujours plus vite, même si ce n'est pour aller nulle part.
Les gens ont aussi le droit de ne pas se laisser aller à la consommation béate et aveugle, à ne pas laisser les publicitaires et les tendances décider à leur place.
Les industriels sont certes des cyniques profiteurs, mais sans une masse d'abrutis suiveurs ils n'iraient pas bien loin.

BA a dit…

Mardi 30 avril 2013 :

Un article à pleurer de rire !

L'ex-ministre Claude Guéant explique le versement de 500.000 euros sur un de ses comptes par la vente de toiles du peintre flamand Andries van Eertvelt.

Et soudain Andries van Eervelt est devenu célèbre ! Grâce à Claude Guéant, nul ne pourra désormais ignorer le nom de ce peintre flamand du 17e siècle (1590-1652), auteur de marines plus ou moins spectaculaires.

Alors que des juges s'interrogent sur un éventuel financement de la campagne de Nicolas Sarkozy par des fonds libyens, l'ancien ministre Claude Guéant a en effet expliqué le versement depuis l'étranger de 500.000 euros sur un compte bancaire par la vente en 2008 de tableaux d'Andries van Eervelt.

Parmi les musées qui présentent son œuvre, le National Maritime Museum de Greenwich (près de Londres) est le plus riche, avec une quinzaine de toiles. Le Louvre ne possède aucun de ses tableaux.

En vente publique, la carrière de van Eervelt est à géométrie variable. En mai 2010, sa "Bataille de Lepanto de 1571" (bataille navale qui vit la victoire des flottes chrétiennes sur la flotte turque) s’est vendue 168.750 euros à Amsterdam. Avant cette vente, elle était depuis les années 1970 la propriété d’une famille anonyme, européenne probablement.

En juillet 2011, une autre "Bataille entre Turcs et Chrétiens" a été achetée 93.930 euros. L’œuvre provenait d’une collection privée espagnole.

En novembre 2012, toujours à Amsterdam, un tableau du même artiste ("Guerriers dans la tempête") qui avait été acheté chez Christie’s à Londres en juillet 1978, a été revendu seulement 19.000 euros.

Nous n’avons trouvé aucune trace de la vente aux enchères de deux tableaux de van Eervelt atteignant les sommes évoquées par Claude Guéant pour l’année 2008. Reste que celui-ci a pu les vendre à un marchand ou à un particulier. Mais il serait très étonnant que ceux-ci aient accepté de payer ces tableaux au-delà de la cote du peintre, d’autant qu’aujourd’hui, ce type d’œuvre n’est guère recherché. La marine ne fait plus rêver….

http://tempsreel.nouvelobs.com/politique/20130430.OBS7681/affaire-gueant-mais-qui-connait-monsieur-van-eervelt.html

BA a dit…

Le Canard Enchaîné a interrogé Claude Guéant sur les 500 000 euros qui avaient été envoyés depuis l'étranger et qui avaient été versés sur son compte bancaire.

Lisez cet article à pleurer de rire :

Pour justifier le versement sur son compte de 500 000 euros, l'ex-ministre de l'Intérieur jure avoir vendu, en 2008, à un confrère avocat, deux tableaux - deux marines du XVIIe siècle - signées d'un peintre hollandais. Il affirme avoir en sa possession toutes les pièces justificatives de cette vente. Ainsi que les certificats d'authenticité des oeuvres. Tout en s'étonnant que les enquêteurs ne les lui aient pas demandés lors de leurs visites, Guéant met ces justificatifs à la disposition de la justice. Bizarrement, il a du mal à se souvenir précisément du nom de l'artiste batave. Parce qu'il ne pouvait plus le voir en peinture ?
Un haut-fonctionnaire des Douanes ricane et explique au "Canard" que le coup de la vente d'une oeuvre d'art est un grand classique pour blanchir de l'argent.

Le Canard Enchaîné, mardi 30 avril 2013, page 3.

BA a dit…

Et ceci pour continuer à rigoler encore plus :

http://untableaupourgueant.tumblr.com/

Pwet-Pwet a dit…

@tassin

Au risque de vous vexer, je pense que ce que souhaitent les consommateurs qui se plaignent de leurs produits low-cost qui tombent en panne, c'est avoir accès au même genre de produits, mais plus durables. Pas ne plus y avoir accès du tout.

Seule solution : l'augmentation des salaires. Sinon, les produits électroménagers deviendront un luxe que seule la classe dominante pourra se payer.

Anonyme a dit…

@ Pwet-pwet :

Si vous augmentez les salaires, vous augmentez mathématiquement la consommation. En plus vous faites un pari très incertain sur les choix des consommateurs sur la qualité des produits.
Personnellement dans mon entourage que ce soit des personnes du bas de l'échelle sociale ou des classes moyennes, toutes achètent les mêmes merdes prêtes à jeter.

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