25 avril 2013

La fin du prêt-à-jeter ?

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Un projet de loi visant à faire de l'obsolescence programmée un délit sera présenté le 2 mai au Sénat par les écologistes. Alors que l'on désespère de tirer 0.1% de croissance par la consommation, je crains que le projet n'aboutisse pas.

L'obsolescence programmée consiste à vous fabriquer des trucs jolis, pratiques ou indispensables, mais de qualité médiocre et rapidement foutus, ou pire, à prévoir leur autodestruction (quitte à foirer la programmation et provoquer un retour usine prématuré). 

Après la délocalisation quasi complète de secteurs industriels ou technologiques vers les pays à mieux-disant salarial, l'obsolescence programmée est une étape logique de la mondialisation.

Une fois que nous sommes devenus dépendants d'objets (high-tech et électroménager) n'étant plus fabriqués qu'à un ou deux endroits sur la planète (régulièrement changés pour encore moins cher) par une dizaine de constructeurs et de marchands, ceux-ci n'ont plus qu'à transformer peu à peu la nature et la cadence de nos achats. De l'acquisition de l'objet, on est ainsi passé à un abonnement ne disant pas son nom. L'obsolescence programmée est l'autre façon de faire sortir de l'argent à ceux qui ne peuvent plus s'endetter.

Je prends toujours l'exemple de mon ampli de 1975, avec ses enceintes made in France, livrée avec son schéma électrique en poster et qui marche toujours alors que je n'ai jamais pu conserver en état de fonctionnement correct un baladeur mp3 plus de 2 ans et quelques mois. Je prends ces des exemples car ils ont la même finalité et j'use autant l'un que l'autre.

Tu me diras, l'ampli valait peut-être un mois de SMIC à l'époque et le baladeur quelques jours de travail aujourd'hui. Le libéral me rétorquera que c'est ici le prix à payer (ou plutôt à ne pas payer) pour "la démocratisation des biens industriels de grande consommation"Stéphane Soumier sur son blog considère que "l'obsolescence programmée c'est fondamentalement la baisse des prix". Que ces choses sont dites avec délicatesse. C'est, à l'inverse, la réduction des coûts de fabrication et l’inondation des marchés mondiaux de produits à bas coût qui conduisent à l’obsolescence programmée et, au final pour le consommateur, à payer les choses plus cher puisque plus souvent. D'autant que ce mécanisme du sous-produit à destination des pauvres s'étend à de plus en plus de secteurs au-delà de l'électroménager (les meubles, la décoration, l'outillage, les jouets...). Pour S.Soumier, le consommateur est bien au fait du dumping salarial en place et il sait très bien qu'il achète de la came pourrie qui "tiendra ce qu’elle tiendra.". S'il a raison sur le fait que nos achats conditionnent les politiques des fabricants, et que sous leurs douches publicitaires (constituant une grosse partie du prix de l'objet) on l'oublie trop souvent, il a en partie tort sur le reste.


Le consommateur n'a souvent pas le choix. Comme je l'ai écrit plus haut, il n'est souvent plus question de "concurrence". Quelques constructeurs fabriquent aux mêmes endroits des produits programmés pour mourir vite et qu'ils pourraient d'ailleurs vendre encore moins cher en magasin (les grosses marges se faisant sur les prix de transfert entre filiales off-shore).

Si l’obsolescence programmée est le résultat de gains de compétitivité et de la réduction des coûts : où est le véritable bénéfice pour le consommateur ? (hormis la pulsion d'achat immédiatement satisfaite). 10.000 lecteurs DVD à 30 euros qui tombent en panne à la troisième lecture ne méritent pas la mention "démocratisation" mais un procès en class-action.[1]

"L'économie" ne tient pas dans la durée. Je reprends l'exemple de l'ampli et du baladeur : Un ampli à 1000 euros en 40 ans (en partie fabriqué en France), Un baladeur à 100 euros tous les 2 ans et 2 jours = 2000 euros en 40 ans (0% fabriqué en France). De plus, à la différence du baladeur serti dans sa coque plastique, l'ampli est facilement démontable, réparable pour pas trop cher. Étendons l'anecdote du baladeur à toute la baraque, du canapé à la cafetière, en passant par la chasse d'eau, le scotch qui ne scotche pas et le lave-vaisselle (il n'y a guère que les légumes bourrés de conservateurs qui durent un peu), et tu consacres un budget non négligeable à faire le réassort de bidules qui claquent en continu (ayant tous le point commun d'être fabriqués loin et compliqués à réparer).

De plus, si l'on applique à tous les secteurs la logique de l'obsolescence programmée, en plus de manger du cheval à la place du bœuf et de respirer à pleins poumons des nuages radioactifs (" -ah bah tu comprends les joints en plastique taïwanais étaient moins chers pour la centrale, man"), nous reviendrons vite à l'âge de pierre (ou plutôt de carton-pâte). J'ai le souvenir d'une époque pas si lointaine où progrès voulait dire progrès, ou avec le centième de la technologie actuelle on te construisait des trucs pouvant durer quarante ans.

Loi ou pas, la question de l'obsolescence programmée, et celle liée de la relocalisation industrielle, va se réinviter d'une façon ou d'une autre chez les constructeurs.

Sans évoquer la question écologique, j'en ai juste marre d'acheter des choses qui marchent mal, ou meurent au bout de 24 mois. Comme dirait l'enseigne de vente high-tech qui tourne de l'oeil "le contrat de confiance" est rompu. Çà, plus le sous-effectif systématique aux caisses dans les grands magasins (l'attente du client est de ces rares "charges" que les enseignes n'ont pas à régler et dont elles abusent allègrement), comme beaucoup d'autres, je m'éloigne progressivement de cette consommation[2]. C'est presque moins une question de pognon que de simple dégoût d'acheter du prêt-à-jeter. Si la démocratisation de la consommation doit passer par le médiocre alors il vaut mieux pour le consommateur refuser cette "démocratisation" là. 


[1] Il est étonnant qu'il faille un permis de construire pour éviter que les maisons ne s'écroulent, un code de la route pour éviter de rouler sur la mauvaise file, mais pas un encadrement plus strict de la vente de produits avec une certificat de qualité.

[2] enfin bon, nul n'est parfait, hein.

Article connexes :
- L'escroquerie institutionnalisée
- Le vent de la liberté (saveur pomme)
- Ipad et conséquences

Illustration

19 avril 2013

Ces crétins que l'on ne bâillonne pas assez

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Théorie du pire, rappel.


Un homme (nous l’appellerons Joe La louze) hystérise le pays pendant 5 ans. Après avoir fait des papouilles idéologiques à l'extrême droite, en plus d'un pays méchamment endetté, il laisse son parti dans un état de décomposition mentale avancée.


Au détour de la loi pour le mariage pour tous (qui passe comme une lettre à la poste dans tous les pays développés), une never-been hystéro, trop déglinguée pour la télé-réalité, se lance dans l'activisme contestataire avec la bénédiction de l'UMP.

 
(Après tout, quand on a eu Enrico Macias, Steevy ou Patrick Buisson comme idéologues, plus aucun  think-tank ne surprend à droite.)

Des chaines d'information couvrent intensivement les manifestations de la never-been hystéro en tablant sur le fait que leur côté anti gouvernement couvrirait ses slogans de plus en plus ouvertement anti homos.


Ce bazar obscurantiste réunit la diversité la plus putride des droites éparpillées:
- les cathos tradis dont les réseaux financent la mise en branle, 
- la droite à la droite du FN
- les réacs de 642 ap.JC, 
- des Marie-Chantal en Carré Hermés,
- Du Gudard
- les anti-Hollande chauffés à blanc par la presse depuis 8 mois 
- des députés UMP en roue libre qui n'ont pas plus fait le bilan de leurs échecs électoraux répétés qu'ils n'ont de vision pour la France (enfin autre que le comeback de Joe La louze)
- et beaucoup de frustration sexuelle (si si les images parlent).

Bref, l'abrutea-party est en marche. Il se voit déjà majoritaire et anti élites. Mais ce qui marque surtout c'est sa capacité à défoncer quotidiennement les portes de la connerie la plus grumeleuse. 
(attention ne pas se méprendre: dans notre environnement médiatique c'est un avantage).


Et dans leur marche contrariée vers l'Elysée, n'écoutant que leur courage, nos grands défenseurs de la famille mettent en avant... leurs enfants.


Au passage, après avoir craché dessus durant des décennies, découvrir sur le tard les joies lacrymales de la contestation sur pavé. 


Malgré les dérapages, les propos limites, les désirs de "sang", ouvrir grandes les ondes à ces irresponsables, mais ne pas s'offusquer que les abords du Sénat et de l'Assemblée nationale soient progressivement envahis par les prières de rue (catholiques, c'est pour ça). 


Laisser la droite accuser la gauche d'attiser la violence, alors que la droite ferme les yeux sur les débordements du mouvement et condamne mollement les (prévisibles) actes de violence qui en résultent. Et oui, car entre temps, grisés par l'agitation et l'open bar médiatique offert à leur haine décomplexée, des disciples des #ManifPourTous tabassent un couple homo en plein Paris et vandalisent un bar gay lillois (Une "initiative citoyenne" selon la porte-parole des #ManifPourTous). 


Commencer à tabasser les journalistes.
 

Et, enfin, à court d'arguments à droite (car en fait il y en a jamais vraiment eu de raisonnablement audible contre le mariage pour tous) en venir aux mains dans l'hémicycle.


A l'inverse de la Une du dernier Valeurs Actuellesvu les tonneaux de vomi qu'elle déverse sur ce pays en un temps record, j'ai tendance à penser que l'on n'a pas assez bâillonné l'expression des valeurs moisies de cette France des siècles enfouis.

8 avril 2013

Libération : le radical est compromis

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Mediapart a fait plus que déstabiliser un ministre dans son sentiment d'impunité, le journal en ligne a bousculé le ronron des vieilles rédactions qui perdent la raison.

Ce matin dans Libération, on trouvera un édito de Sylvain Bourmeau intitulé "Radical !". Passons sur le fait que l'article en question, et c'est cocasse au regard des dernières semaines, prévoit l'annonce prochaine d'un scoop de Médiapartdémenti par Plenel. On lira d'abord ici la supplique du directeur adjoint du journal pour que notre président soit enfin vraiment, mais vraiment, de gauche. S.Bourmeau invite F.Hollande à "un changement radical de cap, à commencer par la grande réforme fiscale tant attendue, doublée de mesures sévères pour le secteur bancaire et la finance". Ma foi, on ne peut être que d'accord et l'on rend hommage à Libération, entre une pub pour une banque en ligne ou un mail promotionnel nous incitant à devenir trader, pour la force de l'édito et sa prise de position tranchée sans équivoque.

Bon, quelques anodins mots de conclusion relativisent la ferveur de notre émotion: "En parallèle de la nouvelle politique économique qu’il se doit au plus vite d’impulser, en dépit de contraintes européennes anachroniques, il lui faut aussi ouvrir sans plus attendre le chantier d’une République moderne."

"En dépit de la nouvelle politique économique qu'il se doit au plus vite d'impulser ?"...

Oui, on aurait peut-être dû commencer par là. S.Bourmeau fait-il référence à cet autre édito maison, signé Nicolas Demorand en date du 5 mars 2013, intitulé "Compromis" et louant le contenu de cette nouvelle politique économique par ailleurs totalement Cahuzaco-compatible puisque l'ex-ministre du Budget en était un des principaux maîtres d'ouvrage ? 

Alors que les syndicats défilaient ce jour contre l'ANI quelques mètres plus bas, le directeur de la rédaction de Libération, lui, se félicitait des projets du gouvernement pour "sauver le travail. Ou ce qu'il en reste. pour cela, il faudra rendre des droits chèrement acquis et des protections sociales. [...] Oui, pour le dire avec ces mots autrefois clinquants, il faudra travailler plus pour gagner autant et peut-être même moins.

Ça se précise. Faire la part belle aux patrons, valider jour après jour la casse des acquis sociaux, démonter le Code du travail et flexibiliser selon les souhaits du MEDEF: la nouvelle politique économique de gauche, c'est d'en faire une de droite. Merci Libération. En fait, même dans leur schizophrénie éditoriale, les deux directeurs de Libération ont raison: le compromis c'est du radical. 

Même si je ne suis pas particulièrement convaincu d'y voir quelque chose de "nouveau". 

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Illus: Libération

6 avril 2013

Vivre et penser comme la droite : le paradoxe Cahuzac

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"La lutte des classes. Vous, vous y croyez toujours. Moi, je n'y ai jamais cru. Jamais."
Jérôme Cahuzac, 07/01/2013. Mots croisés, France 2

Promis, c'est le dernier billet sur le sujet. Mais, il n'est pas tant question de Cahuzac ici que du rapport de la droite aux agissements de l'ancien ministre du budget.

En effet, la droite est confrontée à un paradoxe. Elle aura beau critiquer le mensonge et par delà la complicité éventuelle d'une partie du gouvernement et d'un manque de morale, dans la pratique, Cahuzac n'a fait que concrétiser la ligne antiimpôts défendue par une large partie de la droite, et bien remise au centre du débat public depuis la rentrée. La ligne est pitchée à la perfection par le député UMP, Jean-Michel Fourgous, jeudi dernier dans le Grand Soir 3:

"S'il y a des paradis fiscaux, c'est que La France est un enfer fiscal". 

Après les leçons de patriotisme et d'identité nationale du dernier quinquennat, on se souvient des récents soutiens appuyés d'une bonne partie de l'UMP à l'exil fiscal de Depardieu (l'acteur à 10 patates le navet devenu l'icône du bagne fiscal hexagonal) ou d'un Bernard Arnault (Le Rémi sans famille des multimilliardaires)... Comment la droite peut-elle attaquer l'ex-ministre du Budget sur son manque de moralité et le fait qu'il ait soustrait de l'argent au fisc ? C'est simple, elle ne le peut pas : Cahuzac a eu un comportement de droite. Donc, elle attaque sur le reste.


Quelques jours avant l'aveu de Jérôme Cahuzac, des députés UMP déposaient à l'Assemblée nationale une proposition de loi, d'inspiration Berlusconienne, visant à amnistier fiscalement le rapatriement des capitaux placés à l'étranger. La droite confirme ainsi que ceux que nous considérons comme des coupables, elle les considère comme des victimes (et vice versa).

J'aime bien écouter BFM Business, on y pèche à toute heure de la journée, sans filtre de bienséance, un concentré rapide du délire libéral décomplexé ne tirant des leçons de rien. L'autre soir, on y entendait de la bouche d'un animateur maison que l'affaire Cahuzac n'était pas si grave, car au fond il n'avait pas abusé d'une petite vieille (et je pense qu'il n'était même pas fait allusion à l'affaire Sarkozy / Bettencourt). Comment mieux résumer, l'esprit de droite?[1]. La délinquance n'est qu'une affaire de violence physique locale, ne concernant donc que les pauvres et les ghéttoisés, dont l'avis compte peu puisqu'ils gagnent peu mais avec qui il faudra faire preuve de la plus grande fermeté. La classe supérieure qui a le bon goût d'avoir trop pognon, elle, a le droit d'être délinquante à l'international puisque cela reste sans arme, ni haine, ni violence et que, quelque part, oui monsieur, grâce aux bienfaits internationalement reconnus de la mondialisation, c'est bon pour l'économie[2].

Tout cela est bien sur faux. L'argent de l'exil fiscal, en plus du manque à gagner local,  on l'a vu dans l'histoire de Chypre, finit invariablement par jouer contre les peuples de chaque pays, d'abord les pauvres puis les classes intermédiaires. Les coups et blessures sont bien plus violents, bien plus étendus, plus prolongés dans le temps. Des coups indirects et cachés derrière l'anonymat de banques, de comptes offshore, de fonds de pension, ne permettant pas de pointer du doigt un individu responsable : 30.000 milliards de dollars sont dissimulés dans les paradis fiscaux, l'équivalent de 3/4 de la dette mondiale. Les "victimes" vous remercient.

Ne nous trompas pas de cible, Cahuzac n'est pas coupable parce qu'il est politique, c'est juste une circonstance aggravante elle-même aggravée par la période (L'aurait-on autant accablé avec un chômage en baisse et 2% de croissance ? Pas sur). Combien de Cahuzac œuvrent toujours dans l'ombre, sans aucune responsabilité politique ? C'est contre cela qu'il convient de lutter avec fermeté[3]. 

Si l'affaire Cahuzac peut également faire comprendre au pouvoir socialiste que c'est avant tout ce laisser-aller de droite qu'il convient de rectifier dans ses rangs, on aura avancé.


[1] On reconnait souvent cet esprit à ce qu'il se défend d'être ni de droite ni de gauche (mais surtout pas de gauche).

[2] La ruse de la classe supérieure étant, grâce à ses relais médiatiques, de persuader les classes intermédiaires de se rallier à sa cause en s'appuyant sur le dégoût pour la pauvreté, l’accès au crédit et la stimulation continue du désir de richesse.

[3] Ci-joint la pétition contre la lutte fiscale à destination du gouvernement initiée par Politeeks 

4 avril 2013

Le mensonge est plus fort que la fraude

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Si j'en crois le traitement médiatique de l'affaire Cahuzac, il semble que le mensonge est pire que la fraude fiscale. 

Il est vrai que le mensonge en politique, euh pardon l’aveu après le mensonge, est une chose rare ici. En ce sens, il fait avancer les choses. Chaque éditorialiste s’inquiète maintenant du sentiment de "tous pourris" que ne manquera pas de raviver cet aveu, en focalisant sur le convaincant déni de l'ex-ministre du Budget ces dernières semaines. 

Peu se penchent en revanche sur cette pathologie de l'accumulation, cette terreur du partage qui conduit le bourgeois (je devrais dire de droite, mais on voit que ça brasse large) à se soustraire à l’impôt par la fraude, la déduction ou la niche (les aménagements légaux de la fraude). Et là, les politiques sont loin, très loin, d'être les seuls[1]. 

Tu me diras, on voit plus souvent la presse titrer sur les mille et une méthodes pour payer moins d’impôts, que sur les bienfaits de s'en acquitter (rappelons qu'un Français sur deux ne gagne pas assez pour être imposable). 

(L'environnement médiatique sous prisme bourgeois: l'impôt est une douloureuse injustice à laquelle il est tout à fait normal de chercher à échapper.)

Regarde donc ce mini sondage en carton de L'Express sur ce que devrait faire Hollande après l'affaire Cahuzac...

Et non, pas d'option "renforcer la lutte contre la fraude fiscale". En revanche "Moraliser la politique, présenter des excuses, arrêter  les leçons de morale"... On reste sur le terrain de l'émotif ou de la com'. Rien sur le cœur du problème (et des centaines de milliards de manque à gagner).

Étonnant non ?

Plus étonnant (ou pas), ce resserrement sur le terrain de l'émotion et du mensonge est reprise dans la réaction de "crise" de François Hollande. Le président avait l’opportunité de rappeler le rôle de la contribution pour la collectivité, le sens de l’impôt et ses usages en enchaînant dans la foulée avec l'annonce d'une véritable offensive contre la fraude fiscale. Il en est resté à questions de règlement intérieur à destination de la seule classe politique avec des mesures dont on ne comprend d'ailleurs pas qu'elles ne soient pas déjà appliquées depuis vingt ans. 

Hollande réagit donc sur le même mode que la presse. En dénonçant moins l'objet du mensonge que le mensonge lui-même. Lutter contre le mensonge ne tuera pas la fraude. Le coup de poker raté de Cahuzac en est la preuve: on peut aller très très loin dans l'art de tromper son monde. En revanche, une lutte efficace contre la fraude diminue les possibilités de mentir.

Tout ceci me laisse un goût amer. En détournant leur regard du fond du problème pour se focaliser (quand ils ne peuvent plus faire autrement), sur la personne de Cahuzac, ceux qui façonnent l'opinion donnent cette impression de plus lui reprocher de s’être fait pincer en grugeant que d'avoir grugé. 

Quelque chose me dit que ce traitement est déterminé par la classe sociale dans laquelle on évolue. Mais ne le crions pas trop forts, nous risquerions d'être taxés de populisme.


[1] Et si l'on prenait au Budget, un type ou une fille au SMIC réussissant, en plus, l'exploit de ne jamais être à découvert à la fin du mois ? Ce serait peut-être à expérimenter pour éviter les dérives. 

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3 avril 2013

Cahuzac ou le symptôme du laxisme fiscal

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Les politiques sont tous pourris ? Non, en revanche il y a quelque chose de pourri chez tous les fraudeurs fiscaux. La nuance est de taille. 

Après avoir menti avec conviction à l'assemblée et avoir menacé sur Twitter ceux relayant les "fausses informations" de Mediapart, Jerôme Cahuzac, ministre du Budget il y a encore trois semaines, avoue enfin avoir fraudé le fisc français. Je n'appréciais pas spécialement Cahuzac, mais j'espérais pour le pays qu'il soit innocent. Ça ne pouvait pas plus mal tomber, ça éclabousse l'ensemble d'une classe politique déjà bien peu aimée. D'autant que ce n'est peut-être que le début d'un nouveau feuilleton sur l'origine des 600.000 euros helvètes.

Mais Positivons. Le pataquès Cahuzac a au moins deux avantages:

1 / A la rentrée prochaine Jean-Michel Aphatie sera, peut-être (enfin ça se passerait comme ça  dans un pays médiatiquement sain), envoyé à la présentation du télé-achat nocturne sur TV8 Mont-Blanc et ne plus palper un salaire à cinq chiffres pour cracher sur les journalistes qui font leur boulot, le tout sous les applaudissements.

2 / C'est l'opportunité idéale pour reparler de ce sport national du bourgeois qu'est la fraude fiscale et d'enfin y remédier.

Le Sénat estime le montant de cette fraude à 30 milliards d'euros, les experts Bruxelles eux penchent pour 45 milliards. Le syndicat Solidaires-Finances publiques situe l'ardoise plutôt entre 60 et 80. En gros, la fraude fiscale représente un manque à gagner de 20%, 6X le déficit de la sécurité sociale, de quoi financer les ministères de l'Education, des Finances et de la Justice.

Pour sortir de l'argent, encore faut-il en avoir. Les pauvres régulièrement pointés du doigt comme de grands fraudeurs sous la majorité précédente, ne représentent que la goutte d'eau au sommet de l'iceberg de la fraude, à 90% fiscale, comme le rappelait récemment ATD-Quart Monde.


La majorité des salariés n'ont pas non plus les possibilités d'optimisation fiscale (mais ce n'est pas toujours l'envie qui en manque) d'un grand patron, d'un chirurgien esthétique réputé ou les possibilités de délocalisation d'un acteur surpayé. Non.

Eux sont doublement lésés :
1 / Cet argent n'ira pas au financement de services publics ou au remboursement de cette dette avec laquelle on leur martèle la tête. 
2 / Ils devront payer en sus de leur part, celle détournée par nos courageux fraudeurs.

Puisque la priorité de François Hollande est de rétablir les comptes et s'il veut sauver l'honneur d'un gouvernement fort mal barré, qu'il entame sur le champ une vraie lutte contre la fraude fiscale (et non par le petit milliard de gains prévu par ce gouvernement ne se gènant par ailleurs pour demander aux travailleurs de cotiser plus longtemps). Il faut multiplier ce milliard au moins par 5 ou 10. Et pour cela, il faut embaucher des inspecteurs des impôts, multiplier les contrôles fiscaux.

Seulement voilà, et c'est là que ça devient aussi scandaleux qu'un ministre du budget qui ment en bloc et en détail: en 2013, 2 000 postes sont supprimés à la direction générale des finances publiques. Ces coupes dans les effectifs se rajoutent au 13.500 postes supprimés depuis le lancement de la RGPP (avec la fusion des Impôts et du Trésor public) par Nicolas Sarkozy.

En résultent des dossiers bâclés, un personnel moins formé. Peut-être même que la connaissance de l'intérieur de la fragilisation de cette administration de contrôle explique en partie le sentiment d'impunité et la "spirale du mensonge" d'un ministre du Budget.

Il faut à peu près deux ans pour former un inspecteur des impôts pleinement opérationnel et prêt à ramener le pognon. Comme l'inspecteur du travail, il fait également partie de ces fonctionnaires dont on peut très précisément évaluer la rentabilité (voilà qui fera plaisir à Agnès Verdier-Molinié). Ces inspecteurs rapportent infiniment plus qu'ils ne coûtent. Là, on ne serait plus dans le symbole du 75% qui va finir par ne concerner que trois personnes en France, mais bien dans une vraie lutte pour la réduction des déficits par la traque de la fraude avec à la clé de vrais gains.

Ce gouvernement, comme le précédent, n'a pas opté pour un plan d'embauches de ce côté-là. Quelqu'un au Budget a dû estimer sur son tableur Excel que ça coûtait trop cher, qu'il y a avait trop de fonctionnaires, que l'on avait besoin de pognon maintenant et pas dans deux ans, et qu'a être trop méchants avec les fraudeurs on ferait partir nos précieux riches déjà bien assez malheureux comme ça de ne plus quoi savoir faire de leur pognon.

A croire qu'il n'y a qu'eux qui votent dans ce pays.

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