26 septembre 2011

[video] Senat night fever

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Dimanche. Après le suspens d'une fin d'après-midi passée à aller et venir de la buvette climatisée à la moiteur d'une salle des conférences surpeuplée, nous apprenions de la voix de Bel que le Sénat passait à gauche pour la première fois de la Cinquième

Sur les rotules après l'abus de liens sociaux consécutif à la liesse (lui-même suivi de son after à la Sangria pour célébrer comme il se doit ce songe d'une nuit d'été indien), je vous renvoie à des collègues plus frais pour analyser ce moment d'histoire

Allez hop. L'Elysée maintenant ?
Sénat 2011 et Le Sénat et après ? dans Left Blogs (leftblogs)

24 septembre 2011

Vers un nouvel ordre électoral

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Tremble. Notre président fait peur au monde de la finance. Si, si. Il ne réforme pas assez vite, ne va pas assez loin. Certes, il a improvisé un mini plan de rigueur à l’interne (qui, on le notera avec intérêt, via la réforme de la taxation des plus-values sur les résidences secondaires, frappe même son cœur de cible électoral) et son brave Baroin fait la tournée des banques US histoire d'apaiser les marchés en attendant le prochain point G qui va (same players insert coins) changer le monde

Le climat éco va donc cahin-chaos continuer à se détériorer et la note de la dette française va probablement être dégradée (rappelons que notre néo-taxeur de sodas a creusé le déficit de 400 milliards en 4 ans). Notre Monarque minaude, parade à l'étranger, en appelle au passé, courbera le dos, pouponnera bientôt, en attendant son échéance de 2012. Il a pour lui une certaine atonie du peuple et un éparpillement du mécontentement. Pour l'instant, l’indignation ne prend pas. Voyons-y encore une bonne robustesse des services publics, de la protection sociale, des congés payés, une bonne part de soumission (faute d'imagination et par peur d'avoir à y perdre quelque chose) à l'évangile de l'indépassable capitalisme pyramidal. Fort de son succès à faire avaler aux Français l'arnaque de la réforme des retraites, il envisage déjà, via ses sbires, de repousser toujours plus loin les limites avec un âge de départ à 67 ans au prétexte d'une convergence avec l'Allemagne (Une convergence sélective ne s'appliquant pas, par exemple, à l'abandon du nucléaire et ne prenant pas en compte notre différence démographique avec l'Allemagne ni la durée de cotisation fixée là-bas à 35 ans et ici à 42). Malgré la hausse violente de la pauvreté, le peuple du milieu n’a pas encore goûté de la vraie bonne grosse politique d'austérité. Le désarroi grec ne provoque encore que quelques frissons exotiques en ouverture de JT, et il n'est pas rare que dans les conversations de gens qui ont pourtant  un cerveau soit repris mot pour mot l'argumentaire des bourreaux ("Mais tu ne te rends pas compte Seb ? La dette !". N'oublions pas aussi, mais comment les oublier tant ils cannibalisent le mental français, que pour une partie de la société (qui vote beaucoup, n'a plus toujours toute sa tête), ce quiquennat a été très profitable (exonérations, cadeaux fiscaux, bonne retraite, hausse des prix de l’immobilier...). 

Si notre président arrive à godiller dans la dette pour les six prochains mois avec des signes encourageants (notons cette communication sur la réduction du déficit de la sécurité sociale[1]), avec son argumentaire de campagne classique (promesse de gnouf pour les pas-comme-nous et travaux forcés pour les assistés), nous nous dirigeons donc tranquille vers une élection Hollande / Sarkozy ne remettant pas en cause les grandes lignes de la diète qui se profile derrière. Il y a bien une ligne offensive à gauche et à la gauche de la gauche contre la spéculation et les banques, mais celle-ci remet trop en cause l'ordre établi pour obtenir les soutiens nécessaires qu'ils soient financiers, médiatiques et populaire (tout cela étant inextricablement lié).

Mais un semestre c’est long, spécialement dans un contexte d'anxiété financière globale ou même Christine Lagarde perd de son optimisme légendaire. Imaginons donc que les efforts de notre président (coincé entre son irrépressible envie de se faire réélire et donc de ne pas se faire encore un peu plus détester et l’injonction des créanciers à taper sur les peuples) foirent et qu’avant Noel, à ce classement absurde, notre pays et ses banques se retrouvent en AA- (houlalala). Il sera obligé de passer la vitesse supérieure avec la phase 2 et l'annonce d'un vrai gros plan de rigueur (pas l’amuse-gueule à 11 milliards qui a nous a été servi avec moult précautions oratoires). Il sera question, entre autres, d’une vraie casse de la fonction publique avec dégraissage au Destop des effectifs et baisses des salaires pour les autres (ou augmentation du temps de travail, ce qui revient au même), hausse de la TVA et équarrissage des prestations sociales (bref, le trip des trépanés de l’Ifrap auquel TF1 et affidés nous conditionnent à touches plus ou moins nuancées depuis des années). Là seulement, le peuple sentira passer la douloureuse : chute nette du niveau de vie, baisse ou fin des allocs ayant pour conséquence des cascades de découverts bancaires, des services réduits ou fermés, un accès aux soins impossible… 

Ajoutons à cela, la montée des affaires tachant les partis de gouvernements, nous voilà conduits vers des cataclysmes démocratiques comme il en arrive une ou deux fois par siècle lorsque, écoeuré, les peuples désespérés courent crier leur colère dans l'isoloir des solutions simples

L'élection de 2012 aura au moins un mérite : celle de redéfinir, façon puzzle, un des deux partis de gouvernement. Au PS, quitte à lâcher du lest, on tient le pari de la ligne raisonnable en tentant de capitaliser sur une aspiration à un changement qui ne change pas trop. A droite, on commence à saisir dans la confusion et l'effroi que "Sarkozy" et "avenir" ne sont deux mots qui ne vont plus ensembles et l'on prépare le coup d'après.

Simulation 1 : Imaginons une dégradation rapide du contexte, avec forte contestation : Sarkozy se retrouve éjecté du second tour. Sachant que les législatives sont derrière, dans le match FN / PS pour qui crois-tu qu'une large partie de l’UMP va se prononcer ? 

Simulation 2 : Post 2012. Dans une période de redéfinition par le bas des standards (et La France plongeant en retard et de très-haut, la chute n'en sera que plus violente), la soumission s'émoussera laissant place à de sporadiques explosions de violence (rappelle-toi les émeutes anglaises et la diligence de la classe dirigeante à qualifier de délinquance et punir une misère qu'elle a générée). Pour préserver rentes, mandats et prés carrés loin de la colère des chômeurs, des mal-logés (tant qu'il n'y a pas de volonté politique d'en finir avec ce dernier far-west, il n'y aura pas de retour en arrière) et des exclus intégrés (le précariat), il faudra plus que du Money Drop à la télé et des Post-it wars au bureau, mais de l'ordre et de la terreur à chaque coin de rue. Note que, préventivement, se drapant derrière un "marché de l'immobilier" auquel chacun se plie, les grandes villes sont déjà des citadelles nettoyées de leurs pauvres.
*
Quel calcul s’opérera dans la tête du patronat, des élites, des publicistes, des possédants, des rentiers si le climat social tourne à la franche hostilité ? 

Vers quel gouvernement conduiront-ils les peuples ? A l’ère du chacun-pour-soi, de recroquevillement des possédants sur leurs valeurs, dans un pays où du haut en bas de l'échelle sociale les valeurs de droite triomphent (surtout en fantasme) mais où le parti qui les incarne traditionnellement est discrédité, viseront-ils un socialisme gestionnaire (un parti taxé de beaucoup de choses, mais rarement de sécuritaire) avec croissants risques de soubresauts ? Ou s'orienteront-ils directement vers une droite redéfinie sur son extrême avec promesse de coups de trique pour les moins méritants (à savoir dans la tête de chacun : "l'autre" ou celui en-dessous de soi) ?  

N'y voit rien de mal.  Business is business.
[1] Bien sûr, ne voir aucun lien entre cette annonce issue de la progression des déremboursements, la hausse consécutive des tarifs des complémentaires et le retour de la tuberculose dans le 93.

21 septembre 2011

Aux armes et caetera

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Jeune dans la galère ? L'UMP t'a trouvé la solution : faire la guerre.

Émoustillé par les sauts de son poulain très content de lui à Tripoli et pour en finir avec les 2 millions de mal-logés, les 5 millions de chômeurs et les 8 millions de français sous le seuil de pauvreté, Hervé Mariton, cador de la déconne dont le titre de député UMP interroge sur les facultés intellectuelles du corps électoral, sort de sa bible programmatique pour 2012 (la série des "Police Academy") une de ces pipeaux-propositions destinées à détourner le débat des valises de billets, des affaires qui schlinguent et des contre-performances économiques de son gouvernement. 

Martion veut que les jeunes Français fassent allégeance aux armes

Tu me diras quoi de plus normal que cette référence aux flingues dans un climat de guerre sociale entamée contre les peuples ? Après avoir soumis les salariés à la logique du bourreau, cela fait un moment que nous disons que la prochaine étape sera d'éradiquer les pauvres au champ de bataille avec leur consentement.  On peut toutefois s'étonner que ce sursaut de patriotisme militaire provienne de ceux-là mêmes qui ont démonté le service national pour fournir des contingents de stagiaires sous-payés au patronat.  On peut aussi être surpris par ces références américaines de la part de ceux qui veulent faire de nous de bons Français, et ce, au moment même où la suprématie de l'oncle Sam, générant dette et pauvreté comme jamais, a du plomb dans l'aile. 

Cette resucée de drapeau cache-misère est symptomatique d'une droite en boucle sur ses scories, submergée par le collapsus de son monde rêvé, et qui va se cramponner sur ses actions militaires à l'international (souviens-toi Bush en 2004).
 *
Du coup, Yann Savidan me pose la question : "seriez-vous prêts à mourir pour la patrie ?". 

(...attention, ça peut tacher un peu.)

Mourir est déjà bien assez désolant comme ça, alors mourir pour un bout de terre dont un rentier croulant me refuse systématiquement à la location une infime parcelle (mal entretenue) si je ne lui présente pas 4X le montant du loyer en revenus...  plutôt crever. Avant de de s'étriper pour la patrie, pensons déjà à vivre pour améliorer la société.

Récemment, je m'engueulais comme souvent avec un type me reprochant d'être de gauche. Mon principal grief : vouloir "changer le monde" (sic). Je lui répondais que non, connard, je veux juste en finir avec les situations d'injustices dans mon immédiate proximité. Il n'y a aucune idéologie là-dedans, vois-y, au pire, une simple recherche de mon bien-être personnel. 

Je lis souvent que gauche et droite sont identiques (test efficace pour identifier quelqu'un qui, au final, s'abstiendra ou échouera à droite). Il existe pourtant une vraie ligne de démarcation plus visible que jamais entre fatalisme et progressisme. Entre les indignés et les résignés. La grande force des gouvernements successifs est d'avoir rallié les victimes à la raison du bourreaux (en détruisant par touches plus ou moins nuancées, culture, mémoire, sens critique, sens du collectif au travail et solidarité au quotidien)

Etant entendu que le mode veille de ce système est le maintien d'un climat de peur, ceux qui tirent leurs marrons d'une époque de crise (pouvoir ou rente ou les deux) disposent de deux leviers pour ramener les peuples à défendre leur cause à l'approche de l'échéance électorale

- Quand ça ne va pas encore trop mal, ils promettent "plus d'argent" et plus d'invidualisme à l'individu.
- Lorsque ça sent le dépôt de bilan, ils désignent des boucs-émissaires et tentent de réunifier les déshérités sur une cause suprême liée à des figures ou des traditions qu'ils se réapproprient à moindres frais. 

Problème technique à droite : comment brandir de l'unité et du drapeau pour faire oublier la pauvreté quand on a passé son quiquennat à vanter le consumérisme, le chacun pour soi et la perte de souveraineté  ?

Au moment où Mariton branle du patriote, le gouvernement augmente les tarifs des mutuelles de santé de 3.5% et cette Europe (imposée contre les peuples) allège son plan d'aide alimentaire de...75% (pour économiser quelques dizaines de millions d'euros sur un an alors qu'elle trouvait en une nuit quelques centaines de milliards pour renflouer les banques). Demandons donc au député s'il est prêt à sacrifier ses 5000 euros mensuels pour pondre des idées à la con afin que son prochain mange mieux et soit correctement soigné ?
*
Article connexe :
Un peu de volonté, que diable !

Sont également interrogés : NicolasDagrouikMelclalexRomain Blachier

19 septembre 2011

Peut-on encore habiter Paris ? #2 : La résilience des cupides

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Propriétaires de plus-value promise spoliés, propriétaires d'investissement locatif indignés, mais  propriétaires de résidences secondaires combatifs :

"Malheureusement quand on vend, on fait des plus-values."
Un propriétaire dépité au JT de Canal+.

"Une résidence secondaire, ce n'est pas du luxe."
Un lecteur du Figaro au bord du suicide.

"Mais est-il pire crime que celui d'être propriétaire ?"
D.Victoroff (lui on l'aime beaucoup) in Valeurs Actuelles.

Et le plus beau...

"La taxation sur les plus-values heurte nos principes démocratiques"
Le président de la CMI FNAIM

Le logiciel "achetons les yeux fermés, engraissons-nous et escroquons" qui se déroulait pépère depuis quinze ans toute exonération ouverte pour la partie haute des propriétaires subissait la semaine passée un début de bug prometteur. Certes, le gouvernement Fillon retropédalait fissa devant la grogne du petit bourgeois pour pondre en catastrophe une version adoucie de son projet de suppression d'abattement fiscal sur les plus-values de résidences secondaires, passant le seuil de l'exonération totale à 30 ans et réussissant l'exploit de mécontenter tout le monde.

(Un climat d'insécurité croissant.)

Les temps sont durs pour les proprios. Jadis, ils se contentaient de laisser inoccupées leurs acquisitions, les laissant se valoriser quelques années sans rien faire pour se gaver d'une belle plus-value presque sans frais. En 2007, le futur président leur promettait même de stimuler l'endettement des pauvres pour maintenir à la hausse leurs valeurs immobilières. Mais avec le temps, les niches se rabotent et La France des propriétaires s'avère un projet raté. Désormais, celle des multipropriétaires (qui, elle, se porte mieux) à deux choix : 

- soit, comme le craint le président de l'institut notarial de l'immobilier, "retirer [ses] biens de la vente pour échapper à l'alourdissement de l'imposition
*
- soit les louer plus pour gagner plus. 

"En moyenne, les propriétaires mettent leur bien en location pendant dix semaines et louer sa maison ou son appartement peut rapporter jusqu'à 1000 euros de revenu supplémentaires par semaine."

Cyrille Coiffet, jeune missionnaire de l'ordre des possédants, est le patron d'une société spécialisée dans le court-circuitage du marché hôtelier, surfant sur la folie foncière avec un petit plus, le niveau d'étanchéité supplémentaire entre bourreau et victime : internet. 

Profitant d'un vide juridique bien étrange au royaume des règlements et directives, il est un des artisans de la grande bascule locative parisienne. De la demande locale, désormais trop précarisée, vers le tourisme urbain, bien plus rentable.

Mais attention notre homme de toit a un coeur sensible et, prenant en charge par solidarité les croissantes carences de l’État dans le domaine du logement, son action a aussi une portée sociale :
*
"Du côté des locataires, il va de soit que l'on veut faire le plus d'économie possible : louer un bien est deux fois moins cher que prendre un hôtel."

Bien sûr nous parlons ici de cette location courte durée qui permet aux propriétaires de facturer leur bien à la semaine à quelque japonais ravi, à l'ancien tarif mensuel du galérien de Paris.

Esquivant les dramatiques conséquences de son activité derrière l'immatérielle hiérarchie du "marché" dans une autre intervention sur la chaine immo (en partenariat avec Challenges et Le nouvel obs, tout un symbole), l'abbé de la pierre nous apprend que les proprios, victimes de la damnation d'être fortuné, se lancent dans l'activité pour "générer des revenus complémentaires qui permettent de payer la fiscalité". Pire, pour louer à la semaine au prix du mois, les damnés de la pierre sont obligés de faire des travaux (qu'ils refusaient pour le locataire local) et de meubler le studio d'une table Ikea, histoire de bénéficier de l'abattement fiscal (entre 50 et 70%). Bref, de dépenser 1 pour percevoir 20. Car 500 à 1000 euros la semaine, je n'appelle pas ça du "revenu complémentaire" mais une rente  sponsorisée par l'Etat rapportant bien plus que n'importe quel boulot moyen.

(Tout le monde n'a pas la chance d'avoir des parents touristes.)

Sous d'autres gouvernances visant prioritairement le bon traitement du citoyen et non la bonne retraite du thuné, l'activité de notre dévoué de l'optimisation foncière, ce qu'il appelle "la formule anti-crise du moment" (enfin pour ceux qui deux ou trois maisons d'avance) serait fermée directe ou tout au moins très fortement encadrée dans les zones à forte densité. Mais, c'est l'inverse qui se produit.

La semaine passée, pour la cinquième année consécutive, sur le chemin du renouvellement de ma demande HLM et de mon premier dépôt DALO auprès des autorités incompétentes, laissant vagabonder mon regard sur ces immeubles inoccupés et autres appartements surdimensionnés pour veuf en chaise roulante, au détour d'une station autolib en construction pour que Madame aille acheter, en roulant bio et tous feux rouges cramés, son clafoutis chez Fauchon, je tombais nez à nez avec l'indécence faite échoppe. Une agence ne faisant pas mystère de sa spécialisation dans la location saisonnière. Elle l'affichait en vitrine, au milieu d'un déluge d'annonces obscènes.

Pot-pourri (cliques pour agrandir). 

Avant tout, admirons l'effort social des propriétaires : la dégressivité des tarifs. Côté locataire, il faudrait être con pour signer long. Avec la location courte, le proprio n'a plus à se salir la morale à demander des loyers d'escrocs pour des appartements honteux, avec trois mois payables d'avance et des garanties exigées aussi illégales qu'impossibles à remplir sans frauder ou sans parents aisés. Ici tout est propre, se fait par Mastercard entre gens civilisés. On vient pour visiter Paris pas pour y habiter. En 1986, la tour Eiffel attirait 3 millions de visiteurs par an, nous en sommes à 7 par an aujourd'hui. Ça en fait du monde à loger. 
(Shopping, bateaux-mouches et Sacré-Coeur
un trois-pièces en centre-ville est là pour vous soutenir.)

(Pour les locaux, des solutions innovantes de logement sont à l'étude.)

Chasses la cupidité par la porte, elle revient par la fenêtre. La plus-value est contrariée ? Pas grave, sur Paname la location saisonnière s'y substitue. Ce "marché" qui rapporte vite et bien plus, derrière lequel se planquaient certains depuis quelques années, sort du bois et les agences "ajustent" leurs prix sur une demande à 100% délocalisée, quand elles ne se spécialisent pas tout simplement dans le domaine. Malgré la traque entamée (parait-il) par la Mairie de Parisla "pied-a-terrisation" a désormais pignon sur rue.

La "pied-a-terrisation" est la dernière ligne droite du grand processus d’aseptisation sociale en cours depuis dix ans dans la capitale, le "Paris péage"Ghettoïsation des riches au centre, relégation progressive des familles de classes moyennes et populaires dans des banlieues plus ou moins lointaines avec un crédit au cul et une harassante ré-infiltration quotidienne par RER pour effectuer les taches de service à un salaire qui ne leur permettra jamais de se loger sur place.

Et ce n'est pas la taxe hypocrite sur les surfaces de moins de 9m2 du valet de la bulle Apparu (ces biens ne sont peu concernés par la pied-a-terrisation) qui stoppera l'indécrottable cupidité du proprio et de ses relais, tous habitués à l'inflation exponentielle de la valeur de leurs biens, prêts à sacrifier leur prochain pour que la thune continue à couler.

La cupidité ne se bride pas avec des moitiés de mesures ou des taxes au rabais, mais avec une réglementation sans pitié. Apparu veut des pistes efficaces pour renverser le grand cloisonnement géographique des classes en cours à Paris, sur le littoral et dans les grandes villes de province ? Nous lui conseillons le plafonnement des loyers, l'obligation d'une part de logements sociaux dans chaque construction ou réhabilitation, une très forte taxation des logements vides dès la deuxième année (lancer des constructions avec l'argent récolté) et leur saisie s'ils le sont encore au bout de 5 ans.

Car, au fond, je suis d'accord avec le lecteur du Figaro cité en intro, Dans un contexte de pénurie, la maison secondaire n'est pas un luxe : c'est de la provocation.


Articles connexes :
- Peut-on encore habiter Paris ? #1
- 2011, l'odyssée de l'appart
La pied-à-terrisation de Paris dans La vie à Paris / Logement /  (sebmusset)
Illustrations : Figaro, ville de Paris, @sebmusset

16 septembre 2011

[video] Face à l'échec du libre-échange

par
"Nos thèses sont majoritaires, ce sont celles de la sagesse." A.Montebourg 14.09.2011

Après la présentation en mai du sondage sur les Français et le protectionnisme avec Emmanuel Todd, l'association "manifeste pour un débat sur le libre-échange" organisait un second colloque mercredi dernier. Des économistes et des politiques (F.Loos, A.Montebourg, JP Chevenement, N.Dupont-Aignan) étaient invités à exposer leurs pistes pour  "protéger les intérêts économiques de La France". 

Durant 90 minutes, des économistes de l'association y vont de leur exposé. Jean-Claude Werrebrouck plaide pour un retour sur la loi du 3 janvier 1973, la privatisation de l'emprunt public qui a conduit à l'enkystement de l'Etat dans la finance. Antérieurement, le pays engageait de grands travaux dont nous bénéficions encore, développait une politique d'éducation ambitieuse et même une politique spatiale sans pour autant que nous nous angoissions pour la dette. Jean-Luc Gréau, qui a claqué la porte du Medef, axe son intervention sur la réindustrialisation de la France. Il déplore le discours dominant des élites faisant une croix sur l'industrie depuis trente ans. Mais, comme l'ironise un peu plus tard Jean-Pierre Chevènement : "Jamais les élites ne confessent leurs erreurs."  JL.Gréau propose 5 pistes : Le retour à un euro faible, favoriser l'essor des PME, une distribution sélective (brider le monopole de la grande distribution), des barrières douanières (branche par branche, renégociables) sur les marchandises et des mesures de rétorsion envers la contrefaçon dans les Etats voyous.


Hervé Juvin, préconise une nationalisation de la dette publique détenue aux deux-tiers l'extérieur de nos frontières. Il déplore la complexité actuelle pour le particulier d'acheter de la dette nationale via sa banque (qui ne se gène pas pour cramer son assurance-vie sur de la dette grecque) et plaide pour un autre modèle de gestion des entreprises d’intérêt public : que les Français en deviennent copropriétaires au lieu de les laisser au marché. Il souhaite aussi un étiquetage de localisation régionale (et de la part nationale entrant dans la composition) des articles : "il faut refaire société par ses achats". 

Deuxième partie. Les trois présidentiables, Jean-Pierre Chevènement, Arnaud Montebourg et Nicolas Dupont-Aignan, réagissent sur le protectionnisme, la mondialisation financière, la crise des dettes souveraines et le futur de l'Euro.

Sceptique sur l'application d'un protectionnisme européen entre des pays hétérogènes, Jean-Pierre Chevènement privilégie la "mutation" de l'euro en monnaie commune sur son éclatement (pour des raisons "psychologiques"). L'ancien ministre sous Mitterrand revient sur l'erreur de l'Acte unique (qu'il a voté) ayant joué "L'Europe des nations contre les nations". [vidéo intégrale, 19.00]
*
Extrait #1 : J-P.Chevènement > "Jamais la solidarité européenne ne remplacera la solidarité nationale"  (6.30)


"Les démocraties qui sont faibles devant la finance s'effondrent. Les démocraties qui sont intraitables avec les marchés financiers se sauvent". Arnaud Montebourg veut le retour du pouvoir politique sur la violence des marchés, avec des mesures radicales "à prendre sans concertation avec nos voisins" : mise sous tutelle politique du secteur bancaire, Glass-Seagall act, Taxe Tobin, Transfert de l'AMF au gouvernement, sortie de l'OMC, inévitable concertation avec l'Allemagne une fois Merkel démocratiquement éjectée (ce dont le candidat à la primaire PS n'a pas l'air de douter). [vidéo intégrale 22.00]

Extrait #2 : A.Montebourg > "La fin de l'OMC n'est pas l'anarchie" (4.20)


Nicolas Dupont-Aignan pose comme préalable à toute action efficace la sortie de l'étau de l'Union européenne et de l'OMC. Pour NDA, la dette publique est d'abord liée à l'effondrement des recettes, elles-mêmes liées à l'effondrement de l'économie productive (1 million d'emplois industriels ont disparu en 10 ans, 1 emploi sur 2 dans la filière automobile délocalisé ces 5 dernières années). Il décline une "stratégie économique et sociale" pour relocaliser (encouragement des PME par une réforme fiscale, nécessité d'un rapport d'égal à égal avec l'Allemagne) ainsi qu'une réforme bancaire et un retour sur la loi de 1973 pour "sortir du contrôle de l'oligarchie bancaire". [vidéo intégrale 21.00].

En fin de réunion, le président de Debout la République ! se lâche sur la confiscation politique et médiatique du débat. Joli coup de gueule. Je ne suis pas d'accord sur tout, mais il conclut parfaitement le colloque :

Extrait #3 : N.Dupont-Aignan > "En 2005, ils ont compris qu'ils étaient minoritaires dans ce pays et sont devenus plus agressifs." (5.20)


La croissance des trente glorieuses s'est appuyée sur l'essor de l'industrie qui a généré une classe-moyenne consommant cash. Avec une industrie française en déliquescence depuis 30 ans, la société se fracture entre riches et pauvres : les esclaves du précariat piégés dans le crédit d'un côté, de l'autre les rentiers issus de la vague d'avant dont les intérêts sont aujourd'hui défendus au plus haut sommet de l'Etat.

Le système ne paye plus. Le modèle s’effondre sous nous yeux, les conditions de vie et l'espoir des peuples avec (et nous y avons contribué, acteurs joyeux depuis 30 ans d'une consommation détruisant nos emplois, salariés se pliant à l'argumentaire puis au management Medef), mais il ne se réinvente pas. Logique, les bénéficiaires du chaos secondés par une classe dirigeante sans imagination s'évertuent à tenter de le sauver.

Tous l'ont souligné ici, le protectionnisme économique est loin d'être le seul remède, mais ce rééquilibrage de l'injustice de l'échange, souhaité par une majorité de français et méprisé à dessein par les apôtres fanatisés du tout marché en échec, doit s'imposer dans le débat politique. Sinon, pour le meilleur ou le pire : le désespoir deviendra colère.

Synthèse du nouveau sondage IFOP : Les européens, le protectionnisme et le libre-échange
Illustration et vidéos : @sebmusset @vogelsong

Le protectionnisme n'est pas tabou dans Economie /  (sebmusset)

15 septembre 2011

La droite des travaux forcés

par

La ritournelle de rentrée des poncifs moisis de l'UMP est le signe extérieur le plus flagrant de l’essoufflement programmatique des hommes du président. 

Face à l'effondrement en mondiovision de leur modèle rêvé (l'ultra-libéralisme émancipateur), ils s'évertuent à nous resservir la même choucroute (à base de de riches qui portent l'économie à bout de bras et de méchants pauvres qui ne font rien que freiner la croissance en rechignant à s'aligner sur les standards sociaux du tiers-monde).

Nous avons donc le droit depuis quelques jours à la redite fatiguée d'une ligne d'action claquemurée dans l'impasse de ses contre-performances crasses. L'UMP rame pour cristalliser du soutien chez ses fidèles, tentant pathétiquement de générer le buzz au moment où, via ses primaires, le PS domine la danse des médias :

- Guéant stigmatise les roumains et annonce la publication d'un arrêté anti-mendicité sur les Champs-Elysées. « L’image des Champs-Elysées est en jeu ». Étrangement, qu'il n’y ait aujourd’hui plus un seul particulier parisien pouvant se permettre d'habiter sur cette tranchée de deux kilomètres au coeur de la capitale ne le gêne pas. 

- Le président promet de nouvelles places de prison. Insalubrité et surpopulation carcérale sont signalées depuis des années : pourquoi notre président s'en soucie maintenant ? Veut-il s’attirer le vote des prisonniers ? J'y crois moyen. Non, nous sommes ici dans le symbolique dur. Demander plus de places de prisons, c'est faire croire par ricochet que la politique sécuritaire des dix dernières années est un succès, quand bien même la Cour des comptes conclut l'inverse. Bien sûr, la question du coût de la promesse n'est pas abordée. On s'en fout : il suffit de dire et non de faire.

Mais surtout...Oldies but goodies.

- Culpabilisation des pauvres et travail forcé sont de retour. A la suite de la chasse à "l'assisté"  esquissée il y a six mois par Laurent Wauquiez, le député UMP Marc-Philippe Daubresse enfonce le clou. Il remet ce jour ses propositions au président pour "renforcer l'accompagnement vers l'emploi des bénéficiaires et optimiser les politiques d'insertion". Le rapport (qui a fuité dans Le Figaro) vise à ramener le coupable de non-travail sur le droit chemin de la société parfaite qui fait triquer l’électorat de droite (constitué de 60% de retraités, de 10% de fils-à-papa et de 30 % de niqués).

 (Une insertion politique bien optimisée.)

MP.Daubresse propose de créer "un contrat unique d'insertion de 7 heures par semaine pour les allocataires du RSA socle en état de travailler, inactifs, qui n'ont pas de perspective d'emploi, ni de contrats aidés". Les allocations seront conditionnées à l’acceptation d'un contrat financé par l'Etat et payé au SMIC. Soit en théorie 56 euros par semaine, youpi, surtout quand tu dois en dépenser 20 d’essence ou 80 pour faire garder ton môme et envoyer au Flunch le cadet car l'UMP lui a supprimé la cantoche. Seulement voilà, Daubresse annonce joyeux au salarié forcé un gain maximum de 130 euros par mois pour 30 heures soit 2 X moins que le SMIC

Résumons.

Le député Daubresse (11146 euros net par mois + 9000 de rab) brandit de la menace en guise d'"insertion", conseille à l’Etat d'ordonner à des gens qui ne trouvent pas de travail (et subissent déjà cette situation) de travailler à moitié prix, et d'en faire cadeau aux employeurs (qui ne les ont pas employés en premier lieu). Question : Qui sont ici les assistés ? 

La piste des tâches évoquées est juste assez vague pour que l'on saisisse qu'elles se substitueront à des affectations de service public ou à des services à la personne (ça parle à l'électeur gériatrique) via l'intermédiaire du privé : la proposition ouvrant un cadre légal (le travail forcé) à tous les abus Medefo-compatibles (le travail forcé à n'importe quel prix puisque c'est forcé).

Daubresse dans sa grande sagacité nous dégaine donc du "travailler plus pour gagner plus" (fallait oser) mais en V2 : "c'est ça où la mort". Conséquences prévisibles de cette extension king-size du stage sous-payé : dumping salarial, consolidation du précariat et augmentation de chômage. 

En plus de fusionner le RSA avec l'ASS et la prime pour l'emploi, notre rapporteur veut également instaurer une carte à puce des déviants du travail passé, présent et à venir (c'est à peine moins nuancé : centraliser les aides sociales afin de fluidifier "les sanctions"). Rappel : sur les 30 à 50 Milliards qui échappaient au trésor en 2007, 70% étaient dûs à la fraude fiscale, 30% à la fraude sociale (à 80% de la part des employeurs). Sur celle-ci, les organismes de prestations sociales ne détectaient au final que 300 millions. Le président de la CNAM précisait en 2010, que l'organisme récupérait 90% de ces sommes. Daubresse chiffre son dispositif à 420 millions. 

(Pour tout contrat d'insertion sera également offert une brochure "Il n'y a pas de fatalité à rester un cancer de la société toute sa vie" ed.Dassault, ainsi qu'un formulaire pour dénoncer les pauvres qui touchent trois balles d'alloc dans son entourage.)

Idéologiquement (c'est son premier intérêt électoral supposé), la recette miracle valide implicitement que les chômeurs le veulent bien (ça resserre les fondamentaux dans une droite divisée). Le chômeur n'est ni un coupable, ni un profiteur, ni même un inactif. Il est d'ailleurs infiniment moins nocif et coûteux au quotidien pour les Français que banksters et autres spéculateurs ainsi que, dans un registre pas si éloigné, le petit monde aisé de la rente tranquille bénéficiant depuis cinq ans, à brassées de dizaines de Milliards d'euros chaque année, de cadeaux fiscaux explosant une dette que les plus faibles sont aujourd'hui sommés de rembourser (et avec de la rigueur d'un côté et des jobs à demi-payé de l'autre, c'est pas gagné). 

Toujours la même chanson : A défaut de taper dans la poche des riches, on fracasse la tête des pauvres. Problème : en plus d'être humainement abject, c'est économiquement débile. 

Bien sûr, le CDD devenant la norme, chaque salarié (même de droite) aura l'occasion de tâter un jour ou l'autre du travail forcé à 4 euros de l'heure. 

Qu'il s'en rappelle au moment de voter.

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