8 mai 2011

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La rose et la flèche

Intolérable cruauté. Presse et télé devancent d'une semaine la date de célébration du trentenaire de l'élection de François Mitterrand, éclipsant ainsi les efforts démesurés de la garde rapprochée de notre Monarque pour fêter ses quatre ans à L'Elysée et défendre, à base de "ah bah Ségolène elle aurait fait pire" et "le peuple a mal compris", son calamiteux bilan antisocial[1] ne fédérant plus qu'un faible 17% de satisfaits. Même si la rancœur nationale s'amorçait dès le 7 mai 2007 au matin, pouvions-nous imaginer voir quatre ans plus tard sur I-télé un best-of de son mandat façon bêtisier avec la BO de Benny Hill en fond sonore ? (véridique) 

Ce n'est pas anodin. La mélancolie d'un moment d'espérance est privilégiée à la contemporaine médiocrité d'une gouvernance de caste, méprisante et sans patine. Pourtant les deux septennats de Mitterrand furent aussi émaillés de déceptions et le personnage cultivait bien plus d’ambiguïtés, collectionnant également de nombreux ennemis. 

On ne peut donc s'empêcher de savourer la jouissive différence du traitement média, et la question qu'il induit : fêterons-nous de la sorte l’accession au pouvoir du Monarque dans trente ans ? A ton avis ?
A propos du film "La conquête" (relatant la campagne 2006-2007 du Monarque, en salles le 18 mai), David Abiker demandait à Philippe Sollers en janvier dernier pourquoi, selon lui, à la différence des autres présidents, cette fiction se tournait en cours de règne ? François Mitterrand n’a pas eu cet honneur de son vivant[2]. C'est que notre Monarque du moment, avec son mouvement perpétuel vers nulle part gonflé à la bulle des incantations opportunes et contradictoires, est un accélérateur de particules. Avec lui, mardi c’est déjà vendredi.  Premier président à obsolescence programmée, un film dont il est le héros : c'était maintenant ou jamais. Après son mandat, l'opération serait un bide assuré. Son intérêt commercial se circonscrit d'abord à l'anomalie de son accession aux plus hautes responsabilités (et là-dessus, je partage les conclusions de Sollers[3]). 

Mais d'ici là...

Méfions-nous du candidat. Monsieur "j'la sens bien cette élection" est un féroce. Même s'il part de loin pour 2012, il a le mérite de partir. Blindé au lexomyl pour s'éviter les boulettes, il sillonne à haute altitude le pays du 13h (ces déplacements seront-ils déduits des frais de campagne ?), (re)produit des images avec de l'ouvrier en bleu de chauffe autour (même si son coeur de cible reste le rentier et le retraité[4]), sert son stand-up lacrymal sur le tarmac d'Orly, rechausse ses pantoufles en peau de journaliste et prend l'avantage symbolique avec sa pipeau prime des 1000 euros  (dans ce domaine même avec un programme charpenté, la gauche patine encore[5]). Avec un possible "heureux évènement" dans les bras et de la formule en chamallow à base de « changer pour rester nous-mêmes » pour émoustiller son bloc de fidèles à mononeurone : il est en mesure de faire 25% au premier tour. 

Comme Le Pen V2 est l'outsider chouchou des médias, que je n'ai qu'une croyance limitée dans d'éventuelles candidatures centristes et qu'à gauche on s'accorde d'abord sur la division : le pire du pire est envisageable. Face à une opposition désunie qui multiplie les prétendants, nous nous retrouverions au soir du premier tour avec un président impopulaire mais triomphant et un FN, sans possibilité d'accession au pouvoir, mais renforcé (un 86% ne se reproduira pas). 

De là à dire que la multitude des candidats à gauche est suicidaire... Ne pas oublier qu'à droite, imposture ou pas, le culte du chef se conjugue au présent.


[1] Son action ? Au hasard, ce que j'en retiens. Discrimination, détérioration des services publics pour les replacer à la découpe chez ses potes du privé, optimisation des transferts de l’argent vers l’argent et mise en  kit des acquis.  Le blog de SarkoFrance, qui fête aussi ses quatre ans, recense l'abécédaire des promesses non tenues.

[2] Du moins sous son vrai nom. C’est bien de lui dont il s’agit dans Le Bon Plaisir de Francis Girod (1983). 

[3] Lui et moi ne voyons qu'une explication : l'abrutissement généralisé.

[4] aka "le peuple du cancer colorectal"

[5] Elle est d’ailleurs globalement sans discours audible face à une telle mesure démago financé sur fonds publics. Elle doit obligatoirement investir ce champ de la symbolique sans tomber dans ce genre de mesure assimilable à un « ticket gagnant » qui va automatiquement créer des déçus. Mais c’est ainsi que va la droite : la société y est un monde de gagnants et de perdants où il s'agit de convaincre les pauvres de voter pour les riches, en leur faisant croire que les richesses ruisselleront.

Illustration : Rennes, 10 mai 1981. Affiche du film : La conquête.

5 comments:

Anonyme a dit…

C'est mignon de te voir remuer ciel et terre pour trouver une solution qui n'existe pas.
Tout ce que tu reproches à la société actuelle est le fait du Système UMPSModemPCVerts. C'est la seule réalité tangible.
Tout ce que tu reproches ne serait jamais arrivé avec le FN au pouvoir (dans une certaine mesure, le FN ne peut pas changer la nature humaine, mais est-ce de sa faute?).
Un pays fort ne fonctionne qu'avec un état fort et un peuple fier de lui alors qu'il ne fait que ramper depuis 40 ans dans l'espoir d'obtenir une petite pièce.
C'est minable, certes, mais la faute à qui?
Bref, on peut encore cogiter 40 ans de plus, cela ne changera rien. Au contraire, les choses Empire et Empire.
Vous attendez le Messie ou quoi?

Un autre Séb

Romain / Variae a dit…

Cette accélération du temps est un phénomène plus global, voir le film sur Zuckerberg, "mythologisé" avant 30 ans ...

Anonyme a dit…

Sacré "autre Seb", qui n'a toujours pas compris le rôle dévolu au FN dans l'appareil. 80 ans de cogitation supplémentaire n'y changeront rien : le vrai est définitivement un moment du faux, et la rébellion une mise en scène du système.

Pullo a dit…

@Un autre Seb
Le FN, c'est le troll utile du système, et rien d'autre. Pour ceux qui souhaitent que rien ne change, il est parfait pour discréditer des alternatives. Le passé et les origines idéologiques du FN sont tellement sulfureux que ça suffit pour discréditer des idées comme le protectionnisme, la réindustrialisation du pays, que la Marine a récupéré pour gagner des voix dans les milieux populaires. Et par extension, tous ceux qui défendent ces idées, qu'ils soient de gauche ou de droite non fascistoïde risquent le discrédit et l'accusation de populisme.

Comme le suggère l'anonyme de 18:31, le FN n'est pas hors système, il est dans le système. Il est le vilain utile du système.

Anonyme a dit…

"ah bah Ségolène elle aurait fait pire"... le plus hallucinant c'est que c'est vrai.

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