31 août 2010

Les aventures de Benjamin et Laurianne #1

par
Internet = gauchosphère. Mediapart = groupuscule d'extrême-gauche. La gauche = faut qu'elle se taise.

Voilà, en substance, le programme de la rentrée média de Benjamin Lancar.

L'insupportable (mais sympathique) président contesté (mais réélu) des jeunes pop UMP reprend à son compte la propagande maison. Il s'attèle aussi à combattre ce qui commence à devenir gênant à l'approche d'échéances électorales (lorsque l'on représente un parti au bilan saveur fosse sceptique) à savoir :

Internet, les journalistes et les socialistes.

La blogosphère s'est gaussée, moi le premier, de Benjamin l'an passé avec son formidaube lip dable. N'empêche le #Fail paye (enfin pas au niveau électoral). Lancar partage cette devise avec Eve Angeli : en bien ou en mal, l'important c'est que l'on parle de moi.

Et, depuis, bon client des plateaux, il multiplie les inepties du plus bêta au plus hardcore sur un ton résolument positive attitude qui plait à la fois aux croûlants endruckérisés et à leurs arrière-petits-enfants. Ne le sous-estimons pas : j'ai le souvenir d'une très bonne prestation dans un anglais parfait sur France24, il y a quelques mois.

En face, à la tête du Mouvement des Jeunes Socialistes : Laurianne Deniaud, 28 ans, élue en 2009. Posée et plus discrète, constatons que, jusqu'à présent, Laurianne a un léger déficit de notoriété par rapport à son opposant qui y va franco dans le portenawak. Mais, Laurianne prépare sa riposte.

Et c'est ainsi que dans la soirée de Lundi, vers 19h, à la sortie d'un débat de LCI où les deux représentants étaient conviés, Laurianne, quasi débutante sur twitter, lance les hostilités sur le réseau. Atelier du web, leçon numéro un : Rien de tel qu'un bon tweet-clash pour se faire du follower.
La réponse de Benji, 20 minutes plus tard...
Oh pétard ! En un tweet, Laurianne a métamorphosé le chasseur goguenard de trosko-fascistes en un Robocop de Neuilly, mix de Frédo Lefebvre et de Justin Biber, calé sur thermostat "Destroy"... et gentleman en plus.
Et bing ! Je place mon programme (notons que Benjamin ne fait pas de même). Ici, je ne peux garantir à 100% l'ordre des tweets. Tout s'est déroulé très vite et, ajoutant à la confusion, le fier Benjamin a effacé celui où il exige que les jeunes socialistes se taisent.
Go on girl ! A ce stade, il faut absolument que je vois le débat de LCI : y a du avoir du sang, de la chique et du mollard...
Benjamin tente l'apaisement, de sa part c'est ce que l'on appelle un #WTF.
Les réactions ne se font pas attendre...

Je sens que c'est le début d'un grand roman d'amitié.

A Bientôt pour un nouvel épisode.


Bonus :
Benjamin Lancar,
filmé par Seb Musset et Mancioday, meeting UMP, le 17.03.2010 :



Laurianne Deniaud, filmée le soir de la victoire du PS aux régionales le 21.03.2010, par Seb Musset et Mancioday.



30 août 2010

Purée politique

par

« Heu... c’est quoi exactement cette affaire Woerth-Bettencourt ? »

Lui demande Marie-Anne pelant ses patates de l’autre côté de la table alors que Dirk tente sans succès depuis dix minutes, l'air inspiré au centre des mômes en cavalcade circulaire, de dépasser la page 4 du « côté de Guermantes ». Les autres adultes sont partis ramasser des coques et des couteaux sur la baie ou, plus probablement, chez Leroy-Malin profiter de l'opportunité d'acquérir à moitié prix la desserte de salon en bois des bennes affichée dans le prospectus du matin.

Charme à l’exotisme social des vacances à plusieurs, d'aspirations et de revenus variés, qui rappelle à l'observateur qu'il existe autant de visions de la France que de cartes d'identité : pour cause de pluie, les amis d'enfance sont coincés en huis clos de congés payés à la mi-août 2010 dans la baraque loin de tout. L'accord tacite entre les trentenaires est de ne pas aborder d'autres sujets que la consommation, les mômes, les épisodes de Desperate housewives et la teneur en chips des repas.

Après des bribes d'actualité péniblement arrachées au transistor antédiluvien calé sur Urope1, unique support d'information disponible dans la langue à condition de disposer comme pour l'Heil-phone 4 d'un volontaire pour faire masse[1], et suite aux requêtes implorantes de Dirk en mal d'info, l'assistante stock-manager en aspirateurs d'entreprise s’intéressait enfin à la vie de la société des autres : ces gens parlant la même langue qui font la queue avec elle au centre co'.

Le blogueur voyageant incognito relevait le challenge : Synthétiser ce panier de crabes déjà vieux de deux mois dont Marie-Anne avait vaguement entendu l'accroche lors de ses zapping du soir, entre la météo et Plus belle la life, constituant l'essentiel de son information quotidienne, à savoir l'annonce des deux premiers titres du JT.

L’exercice s'avérait compliqué : Ne s'intéressant aux choses du monde que lorsqu'elles lui tombaient sur la tongue (Quiksilvgold à 30 euros achetée -64% sur ventes-pas-privées c'était tellement pas cher que j'en ai pris six), Marie-Anne ne supporterait pas à froid la charge de l’information même bouillabaissée façon première compagnie.

Soyons désinvoltes, n'ayons l'air de rien. Expliquons l'arnaque sans faire le malin et avec des mots simples sinon c’est l'effet Guermantes assuré, se dit Dirk. Obstacle supplémentaire dans ce cas précis, il lui faudrait recontextualiser tout ce qui ne figurait pas dans les colonnes de "Be" : Qui est Bettencourt ? Qui est Woerth ? Quel était son poste au moment des faits supputés ? Qu’est-ce que supputé ? Qu’est-ce qu’un journaliste ?

Le voilà donc parti pour un Woerth’s digest.

DIRK BLOGGER
- Alors bon tu vois Marie-Anne, il était une fois la république où, du plus riche au plus pauvre, chacun vaut chacun en droit et devoir. Sauf que...

1 minute 40 et 3333 années de SMIC remboursés à la cinquième fortune de France par le Ministre du Budget plus tard, sans le recours à un jingle musical ni au vote de Lio, Dirk pense ne pas s'en être trop mal sorti, limite indulgent avec l'homme du déni.

Pressée de conclure cette discussion un peu osée, la belle aux tubercules lança :

MARIE-ANNE
- De toutes les façons, les politiques ils sont tous pareils : c’est des pourris.

Puis, l'économe alerte, enchaîna sur son bronzage mis en danger s’il ne faisait pas beau d’ici la fin du séjour, parce que merde quand même je croyais que c'était compris dans la location.

Même si ce n’est pas le résultat escompté au sortir de ma brillante démonstration à laquelle il ne manquait que le Powapoint pour les camemberts de milliards et le Monopoly pour symboliser les ministères, les iles mystérieuses, les entrées d'argent et les cases prisons dans lesquelles on ne s'arrête jamais, l’amalgame lapidaire sonne à l’unisson d’une bonne partie du pays, songea Dirk.

Le peu d'intérêt pour la politique en général de la plupart des individus qu'il croisait réduisait à néant les sondages, éditos et divers pronostics sensés, lucides, argumentés de la blogosphère sur les élections présidentielles à 20 mois du match. Tout se jouerait comme souvent moins de deux jours avant, et avec le loustic au sommet disposant des pleins pouvoirs et d'un budget marketing sans précédent, nous ne serions pas au bout de nos surprises. Sans évoquer le contexte économique qui pouvait, plus que jamais, violemment revirer à l'extrême caca d'ici là (où encore... un petit featuring d'Al-Qaida sur la Place du Troca.).

Pourtant, à en juger la teneur des multiples plaintes des derniers jours au sujet du coût de la vie en hausse et des conditions de travail en baisse, les Marie-Anne et leurs jeunes conjoints (ils vont par deux, impossible sinon d'acheter un toit et de payer les factures) ressentent que, disons, au sommet et dans les médias qui redistribuent la bonne pensée, on se fout un peu de leurs tronches.

DIRK BLOGGER
- Mais bon Marie-Anne, tu vas un peu vite. Du sommet au local, dans toutes les gammes de l’opposition et même de la majorité, il y a un tas d’actions, de projets, de programmes et surtout de femmes et d'hommes différents dans leurs idées et dans l'application de celles-ci. N'attends pas tout d'en haut. Ils s'inquièteront de ce que tu souhaites, si tu t'exprimes. De tes choix d'aujourd'hui dépend l'action des politiques de demain. Tu veux quoi toi ?

MARIE-ANNE
- Plus d'argent et plus de temps pour moi.

Pas dupe le Dirk : dans l'esprit de Marie-Anne où tout est tarif promotionnel et économie, plus de temps et d'argent signifiait d'abord plus de moments libres pour dépenser et acquérir ces objets de transgression dont sa génération raffolait.

Gauche, droite ou Patrick Sébastien, elle s'en moquait. En 2007 elle avait voté "Monarque et rêve américain" pour l'altruiste projet "gagner plus" et l'humaniste "défiscalisation des intérêts d'emprunt immobilier". Manque de bol : dans la précipitation de la "bonne affaire, chouchounet faut signer", elle décrochait le statut de propriétaire quelques jours avant l'élection du Monarque et le retoquage de sa loi, annulant sa rétroactivité, par le conseil constitutionnel (Deuxième déconvenue après le "Oh, le notaire ça coute cher" et avant les "Oh, la taxe foncière ça coute très cher" et l'optionnel mais toujours comique "chouchounnet, heu comprends pas, y a le taux du crédit : il a changé.").

Non seulement avec son monarque, Marie-Anne n'en avait pas plus mais tout le reste, le "ce qui fait chier", nourriture, crèche, électricité... augmentait et handicapait son aptitude à consommer à hauteur de ses espérances sociales. Et ça, c'était trop une injustice à laquelle seul le prochain lui promettant du pognon pouvait remédier.

C'est cette névrose de l'accumulation et la néo-libéralisation des esprits, couplée à une totale soumission au principe salarial tel que définit et remodelé à coups d'optimisation manageuriale par les exploiteurs, qu'il faut prioritairement repenser. Mais bon, philosopha-t-il, ici non plus, comme chez les nombreux gars, jeunes et vieux, des villes ou des champs que j'ai croisé cet été, ni l'insécurité liée au teint de la peau ni le péril Rom n'arrivent en tête des priorités existentielles du peuple pas rentier. C'est déjà ça.

Au-delà de ses indécrottables projets immobiliers et décoratifs, seuls domaines de la vie où il était désormais permis d'être fou et de se dépasser, Marie-Anne désirait donc plus de temps libre (même s'il signifiait centre co', ennui ou épluchages de pomme de terre), plus de collègues au travail pour alléger sa charge de boulot et une meilleure paye au sujet de celui-ci.

Ses attentes ne lui semblaient plus du ressort du politique. Ceux qu'elle entendait le plus souvent, chaloupant leurs mots doux sur du dur, à la télé de 20h et 20h02, la persuadaient de l'incongruité des rêves et qu'il lui fallait s'adapter à la modernité d'un monde qui, à l'inverse des feignants de français, travaillait jusqu'à la mort, lui.

Bientôt, on allait la lui rejouer avec les retraites, puis avec les statistiques sur les candidats qu'elle devrait préférer parce que "les français" les préfèrent.

De la croyance en politique ? Elle en eut pour la première fois en 2007 et puis... plus rien. Rien. Le désert des espoirs.

Depuis, le désintérêt de Marie-Anne pour la pratique politique telle qu’exposée par « le sommet » croissait on ne peut plus logiquement : Dégouter du vote l'électorat potentiellement le plus dangereux car le plus impacté, était une politique délibérée d'un pouvoir visant sa reconduction.

En revanche, le renoncement de l'amie, autrefois si vive, à base de soupirs était de ceux qui l'inquiétait plus que tout : le mépris sans colère n'engendrant rien de bon, en tous les cas rien de ce qui pourrait ressembler à un changement de régime, un bouleversement du pire actuellement à l'œuvre et encore moins à une révolution (à moins que celle-ci ne soit comprise dans un pack "changement de république" avec SMS gratuit en illimité à partir de 20 heures, et le tout au terme de six mois de campagne de promo télé et avec un gros sticker "-30%").

Le monarque, même perdant sur toute la ligne, avait gagné. Après lui, l'herbe ne semblait plus pouvoir repousser. Dans cette configuration là, à cet instant précis, au mieux, Marie-Anne n'irait pas voter.

N'y avait-il personne pour répondre à ses attentes ou ne voulait-elle tout simplement plus écouter ?

MARIE-ANNE
- Bon, gros feignant, quand t'auras fini de penser à voix haute, tu pourras peut-être m'aider avec les patates ?


[1] entre un radio-trottoir dithyrambique au Cap Nègre sur l’action du monarque, la lecture répétée du communiqué de Woody Allen certifiant que Carla B. aux 35 prises est l’actrice la plus douée de sa génération et que, après tout, la croissance molle c’est pas si mal.

Illustration : skippyJon - Flickr

28 août 2010

Passe ton bac d'abord

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Il est de ces moments où le rédacteur, surtout l'été, s'occupe de son enfant du matin au soir, ce qui explique, peut-être, couplé à un climat politique qui le lasse profondément, une baisse de sa productivité. Mais bon, c'est le miracle de la vie.

Il erre d'aires de jeux en espaces verts pour contenter la gamine en mal de mer. Cet après-midi là mi-août, il supervise le ratissage d'un coin de bac à sable au cœur d'un jardin dans un quartier rupin de la capitale.

Quelques nounous s'éventant sur les bancs surveillent de loin leurs enfants à charge, de un à quatre ans. Ceux-là babillent peinards dans l'éden de fraicheur, à l'abri du charme parisien (constitué à 29% du vacarme des voitures, 31% d'alarmes intempestives de scooters à balle deux, 12% de bips stridents de marche-arrière de camions de livraison et 28% de marteaux-piqueurs), sous les regards attendris de ces petites-vieilles que l'on observe souvent en quête d'innocence dans ce type d'environnement apaisant où ne flotte qu'une fragile fragrance d'urine. Une mamy est également à la vigie, affectée par ses propres enfants à la gestion de Mattuselin en attendant la rentrée des crèches.

Pas loin, l'enfant cultive son lopin de sable au râteau mauve. Le rédacteur a éparpillé autour son set de plage Ciao Bunny, composé de six éléments : pelle, saut, râteau, tamis à encoches, arrosoir et moule en plastique à tête de lièvre.

Jusque là c'est mignon comme tout et je sens que tu es touché par cette débauche de guimauve de la part d'un rédacteur potichisé. Ça ne va pas durer, une futile perturbation va réveiller le Zemmour qui sommeille en lui[1].

Déboule dans le bac, une bande d'enfants de 10 à 12 ans dont les visages, les sapes pourries rehaussées de logos pour les garçons et de sweat à paillettes de marques qui claquent, semi-beyatches, pour les filles, ainsi que le vocabulaire atomique à base de "wesh" donnent volontiers tous les signes extérieurs d’appartenance à un quartier pas du quartier. Ici, on donne plutôt dans la pute de luxe, l'Alzheimer et le vote UMP.

Ils sont huit à prendre possession géographique du carré ensablé, cinq garçons et trois filles, plutôt âgés pour ce type de distraction, vaguement encadrés d’une jeune monitrice qui s'éloigne du site pour discrètement faire le point à voix haute sur sa garde-robe par Heil-Phone à coque louche avec sa cops' .

L'ÉDUCATRICE
- Chez Zarou, je suis tombée amoureuse d'un pantalon à 150 euros.

Le niveau sonore prend soixante décibels d'un coup et l'ambiance baby confort tourne à la cour de ZEP. Les garçons s'invectivent, s'injuriant toutes les deux phrases. Bon, il en faut plus pour choquer le rédacteur. Il est de ceux qui pensent que "Veuillez agréer l'expression de mes plus chaleureux sentiments pour aller sodomiser votre maman" est plus subversif que "nique ta mère". On peut donc s'exprimer trash mais encore faut-il le faire à bon escient et avec classe : si c'était ses mômes, ce serait deux mornifles direct pour recalibrage lexical. Non mais.

Un des plus jeunes garçons, 10 ans à peine demande au rédacteur la pelle de Juniore pour creuser un tunnel sous la Manche. Il lui prête d'autant plus volontiers que sa môme ne s’en sert point et que cela lui apprend le partage. A en juger par sa moue déconfite fixant le mioche inconnu de quatre fois son âge creuser comme un furieux avec une de ses possessions, la précieuse est encore de droite, tendance conservatrice, et pas pour l'apaisement des conflits de génération.

Moins d’une minute après, une des gamines à tee-shirt DoucheetGabanon lui demande, après avoir saisi l’objet, l’arrosoir pour humidifier le dinosaure qu’elle confectionne au milieu du chahut des garçons. Les filles se mêlent à la joute, rajoutant une fréquence sonore qui manquait à la quiétude de l'instant. La grand-mère excédée reprend Matuselin et ses deux pelles taxées pour faire sabres :

GRAND-MÈRE SAIT FAIRE UN BON CARTON
- Non, mais ça va pas de s'envoyer des boules de sable, il y a deux enfants en bas-âge ici !

Le rédacteur cherche du regard ce qui sert d'"éducateur". La minette, lancée dans la description téléphonique de son épilation intégrale, tourne blasée le dos à la Bataille de San Sebastian version Minikeums.

Quand le rédacteur rabaisse les yeux, c'est Ciao Bunny en open bar, son tamis et son seau sont dans les mains de deux garçons de 10 et 13 en plein concours de tunnels. L'un d'eux, celui au tee-shirt à l'effigie d'un billet de mille dollars, racle maintenant le béton au fond de sa tranchée.

Jamais deux sans trois. Tandis que sa camarade de 12 ans avec le leg-in moulant et ceinture à diamants ramène de l'eau en seau pour un petit aquasplash, la mioche aux paillettes et à l’arrosoir se saisit, sans demande d'autorisation préalable, du moule en lapin. Dans son coin de bac, la gamine, immobile, empoigne son dernier ustensile, prête à cogner.

Le rédacteur, pourtant pour le libre-échange et le détachement des possessions matérielles, se surprend alors à se sentir presque coupable de dire à la presque adolescente que, quand même, ce serait bien qu’il reste quelques-uns de ses jouets à sa kid. Incompréhension dans le regard de la miss, mais ce n'est pas grave : il lui reste le seau et l'arrosoir.

Rapide tour d'horizon, il n'y a plus que les huit et la p'tiote dans le bac. Après le happening de Madame Figaro, les deux autres enfants de quatre ans sont partis d'eux-mêmes sur le gazon.

Même si son petit risque de prendre une vague de sable, un tamis volant ou d'être le tapis d'atterrissage d'une figure des supertares du catch, le rédacteur s'amuse du moment. Néanmoins, soyons réalistes, la cohabitation dans le bac à sable est, en moins de sept minutes, devenue mal aisée pour ceux ne partageant pas les codes des huit.

La Grand-mère s'en est allée avec son Mattuselin. Les nounous distribuent les 4 heures en attendant la fin du déluge. N'ayant lâchement pas envie de jouer le Jean-Pierre Chevènement du square, le rédacteur ne pronostiquant aucune accalmie au regard de la léthargie du bloc de surveillance en plein descriptif des sex-toys achetés sur E-bayse, récupère les ustensiles à pâtés sous les regards incrédules.

Les gamins ont gagné et, à 11,5 ans d'âge moyen, décrochent le bac. Mention tout le monde se casse.

Quittant l'endroit, inutilement énervé puisque le parc est à tout le monde, alors qu'il frôle l'éducatrice lançant un lointain "Oh faites attention" à la marmaille projetant désormais le sable à mains nues hors du bac, conscient du piège de l'exemple qui ne doit surtout pas faire généralité, le rédacteur ne peut s'empêcher, c'est plus fort que lui, de tirer une morale de vieux con à cet anodin fait d'été.

Au-delà du cas, à lui seul révélateur, de l’ectoplasme ado qui servait d’encadrement des mineurs, il y a chez ces gamins un déficit d'éducation bien plus profond qui débouche sur une quasi-complète absence de considération pour l'autre, ne demandant qu'à accélérer comme n'importe quel travers chez un enfant si l'on n'y met pas de limites.

Derrière l’agressivité des comportements, le rédacteur n'a détecté aucune méchanceté : ils sont plus violents entre eux qu'envers les autres. En revanche une attitude similaire, plus tard, ailleurs dans des contextes un peu plus lourds de conséquences, peut provoquer des réactions épidermiques chez autrui qui, en retour, provoqueront du ressentiment chez ceux pas conscients, puisqu'on ne leur a jamais dit, d'avoir abusé.

Et c'est alors qu'un Ministre de l'Éducation, histoire de faire oublier son flagrant-délit de portenawak, bien dans l'esprit de répression aveugle et de pointage du doigt des déviants de ce gouvernement, exigera une plus grande fermeté des sanctions scolaires face aux incivilités et aux violences verbales.

LE RÉDACTEUR
- Monsieur Le ministre, veuillez agréer l'expression de mes plus chaleureux...

Encore faudrait-il qu'il y ait des effectifs d'encadrement suffisants à l'école et que le rôle de celle-ci soit de former les enfants à ne pas être mal élevé d'entrée de jeu. On gagnerait du temps sur l'apprentissage du reste. En amont, rappelons que, théoriquement, il existe des parents qui doivent inculquer les bases, simples mais solides, d'une vie en société où chacun s'appréhende avec un minimum de correction.

Problème : dans cette société où du tee-shirt à billet vert du gamin au coût de la vie en nette augmentation ne permettant plus, pour beaucoup, non seulement de partir en vacances (1 français sur deux quand même) mais juste d'avoir du temps pour cadrer leurs enfants le reste de l'année, le pognon est une adoration et un facteur clé. Faute de temps, toujours au(x) boulot(s), sur le trajet ou au centre co', cette éducation basique devient la partie congrue et, très vite, la contagion de la télé et de quelques mauvais exemples passant par là, pour beaucoup d'entre eux et plus vite qu'ils ne le pensent, un courant impossible à remonter.

Avant de s'attarder dans quelques années sur son propre fiasco éducationnel, le rédacteur traitera la prochaine fois de l'éducation pourrie des beaux quartiers. Bien plus riche et nocive, car ce sont encore trop souvent leurs enfants qui deviennent présidents.

[1] mais aussi un peu de Mahatma Gandhi, de Princesse Sarah et de James Brown, alors ça va.

Illustration : l'enfant sauvage de F.Truffaut (1969)

16 août 2010

L'ennemi extérieur

par

L'été demain dans un futur pas si lointain...


De notre correspondant à Paris.

La communauté internationale est sous le choc. Les ONG, le "Club Méditerranée" et "le Guide du Routard" multiplient les cris d'alarme. Un rapport de Lonely Planet accuse : « Depuis sa défaite contre le Mexique, La France poursuit sa dérive anxiogène qui la coupe du monde. ».

Dans le prolongement de la politique sécuritaire du gouvernement, suite aux émeutes qui ont accompagné l'ouverture de l'Appeule Store pour la sortie de l'Heil-Phone 5 (7 italiens, 3 néo-zélandais et 2 belges interpellés) et après les déclarations chocs du Ministre de l'Intérieur : « - Étrangers ou français, il va falloir que les touristes choisissent », ce 16 août furent lancées de nouvelles opérations visant à déloger les concentrations anormales de touristes dans la capitale.

Aux voix de l’opposition et d'une partie de la majorité, demandant comment l’on pouvait déclarer illégaux des gens disposant de visa, le nouveau porte-parole présidentiel, David Douillet, a répondu :

« - Heu… tu veux une baffe ? »

Hier à 15 heures, Place de la Madeleine, dans la succursale de l'épicerie fine Nikolas, les forces de l’ordre ont procédé à l’expulsion d’une vingtaine de japonais chargés de bouteilles de grands crus, de boites de foie gras ou de panier garnis à 150 euros l’unité.

Cette touriste, férue de culture française, n'en revient toujours pas.

AIKO
"- C’était un souvenir pour ma famille restée à Kyoto ! Je suis sous le choc. "

( Rafle Lauren.)

Lors du point-presse M6 Enquête Exclusive, partenaire officiel de l'opération, le Capitaine Pitaine s’est montré ferme.

LE CAPITAINE PITAINE
" - Nous ne faisons qu'exécuter les ordres. Tout cet argent dépensé irrite les français. En Duty free en plus ! Il n y aucune raison que les touristes échappent aux taxes alors que pour les nationaux la hausse du coût de la vie s'est accélérée depuis 2010."

L’arrivée des policiers place de la Madeleine ne fut une surprise pour personne. D'anonymes informateurs avaient alerté le gérant de l’imminence de l’opération.

Malgré l'amende qu'il risque, le responsable revendique l'ouverture de sa boutique qu'il considère comme un acte de résistance faces aux inhumaines lois iniques réglementant désormais le tourisme.

LE GÉRANT
" - Je sais c’est mal mais il n'y a plus que les étrangers qui consomment dans nos magasins. Je ne vais tout de même pas me reconvertir dans le Vieux Papes et le Sidi Brahim en cubi pour faire un chiffre de merde avec ces fauchés de français ! »

Toute la journée des scènes d'expulsion d’une violence insoutenable se sont répétées aux quatre coins de la capitale. Chez Vior et Duitton, avenue Montaigne, une femme a été trainée à même le sol avec son sac en plumes d'autruche. D'autres dispersions viriles furent signalées dans une boutique d'apparence anodine qui, sous couvert d'indépendance, vendait les très prisés sweat-shirts Uberconbeauf and Fitch.

Le capitaine Pitaine se félicite également d'une belle prise dans la cave à vin d'une célèbre enseigne du Boulevard Haussmann.

« - En flag' qu'on l'a pris le saoudien : il achetait quinze bouteilles de Mouton Rothschild à 1500 euros l'unité. Pétrole ou pas pétrole, il est parti direct au gnouf pour 48 heures de GAV avec FAC [NDLR : garde à vue avec fouille approfondie de cavité]. C'est comme ça : Moi, j'aime pas les asiatiques. Les bouteilles ont été confisquées. Avec une vache qui rit et du pâté, ça passe tout seul. »

(ci-dessus : la chatoyante façade de l'office du tourisme à deux pas de Notre-Dame)

Face à ces excès de zèle, politiques et people se sont rapidement mobilisés :

Sur Discovery Channel, Simone Veil est sortie de son mutisme pour déclarer en larmes : " - C’est une certaine idée de La France que l’on assassine !"

Bloqué par un contrôle d'identité au BHV, BHL déclare en sanglots face aux caméras de BFM : "- c'est scandaleux, je n'ai pas vu une telle abomination depuis cet après-midi au terminal de Denver où j'ai du attendre trois heures avec le tout venant ma correspondance pour St-Barth !"

Sur la chaine du télé-achat, Mickael Vendetta en appelle à la défense des valeurs républicaines : " - Trop c'est trop, ce gouvernement fait un amalgame odieux !"

Amalgame : c’est le mot qui revient chez les opposants aux méthodes musclées des autorités. Via sa porte-parole, Lapine de Clermont-Vacarme, l'association « Faut pas mélanger les carrés Hermès et les torchons » tente de sensibiliser l'opinion :

" - Ce mélange entre « chromes » et « gueux du voyage » permet tous les abus !"

Ceux que l'on appelle les «chromes» ou encore les «gold» ou plus vulgairement les «VIP» sont des grosses fortunes internationales qui voyagent en jet ou, faute de mieux, en classe affaires. Ils disposent le plus souvent d’un pied à terre parisien. Ce dernier point permet de maintenir à la hausse l'immobilier local, ce que certaines autorités voient d'un bon œil.

BERTRAND D.
"- Ainsi nous restons entre gens biens."

(ci-dessous : des exemples de barrière anti-touristes déployées l'été pour ralentir les assauts d'étranger.)


Jean Raque, président de l'association "Ni ploucs, ni fauchés" et représentant du mouvement festivo-libéral "Pour la bouteille à 10.000 euros" précise : " - les "chromes" sont toujours prêts à briller et à faire la fête, c'est pas comme les "gueux du voyage" attirés comme des mouches vers les lumières de notre plus belle ville du monde. Ils profitent honteusement de la baisse de l'euro et de la multiplication des vols low-cost. Avides de pass groupés en tarif eco, ces pervers cherchent toujours à dépenser moins, les fumiers. "

En effet, depuis quelques semaines, le gouvernement galvanisé par des sondages du Ministère de l'Intérieur prouvant que son action est populaire, s'est mis à arrêter sans distinction tout ceux ne s'exprimant pas correctement dans la langue de Voltaire. Devant le nombre d'arrestations, allant jusqu'à dangereusement affecter leurs effectifs, ils ont du se rabattre aux seuls passeports attestant du côté "pas d'ici" de la nationalité.

Pourtant, les débordements se multiplient. Dimanche dernier lors d'une rafle à Disneyland, des familles alsaciennes à l'accent trop prononcé, , le chairman américain en week-end dégustation avec sa secrétaire mais aussi deux Marsupilamis et un Pluto géant furent placés en garde à vue (avec double FAC précisera David Douillet dans son point-presse du soir.)

Interviewé par Paris-Match dans son chalet de Gstaad, lors des préparatifs de son comeback le " Voltarene tour", Johnny Hallyday tombe outré et déclare :

JOHNNY HALLYDAY
« - J’ai honte d’être français ».

Le Ministre de l’Intérieur a tenu à rassurer ses compatriotes lors d’une conférence de presse au Moulin Rouge, un des douze sites parisiens, tels le Musée du Louvre et l'Arc de triomphe, désormais interdits d'accès :

« - Nous serons intransigeants mais agirons en toute humanité. J'en appelle à l'union sacrée de nos concitoyens pour une traque efficace. Les touristes sont faciles à reconnaitre : ils bloquent les accès aux portiques du métro avec leurs nez plongés dans des plans à couverture polonaise ou que sais-je. On les voit souvent errer en zigzaguant un cornet de boules à la main Rue de la Huchette ou sur le parvis du Trocadéro. Ce sont des radicaux. Les lois météorologiques leur importent peu. Quand il pleut, ils ne respectent même pas les plus élémentaires règles du bon gout et portent des K-Way intégraux. J’en appelle à la vigilance de chacun, retraités, employés à tiers-temps, travailleurs en intérim, stagiaires et même les chômeurs s’ils ont encore une télé pour me regarder : ayez le bon réflexe, dénoncez-les ! »

Et le ministre d'ajouter qu'il convient d'agir également sur les filières qui favorisent en amont cet afflux d'étranger « - C’est un combat qui appelle à une internationale des nations. Ce sont les filières d’agences de voyage et autres plateformes de réservations en ligne qu’il faut démanteler dans chaque pays. Ce n'est qu'unis que nous arriverons à ce que chacun reste enfin chez soi. »

Mais que reproche-t-on aux touristes exactement ?

Le sentiment que "putain quand même, on n'est plus chez nous" domine largement.

Ainsi dans une tribune pour "Géo" spécial "Grosse Parisse", Bernard Kouchner déclare :

" - L’été je m’en fous, je suis en Corse. Mais rendez-vous bien compte qu'à l'année les touristes à Paris c’est une plaie !
Ils sont partout. Toujours à se prendre en photo devant la moindre sanisette Decaux. On ne peut plus se balader sans être dans le champ de leurs objectifs. Flute à la fin. Sans parler de "La tour d’argent" : avec cet afflux massifs de visiteurs dont certains sont plus friqués que moi, je dois attendre 20 minutes pour obtenir une table ! »

Sur le terrain, nous constatons un soutien à l'action gouvernementale, à l'exemple de ce chauffeur de taxi :

ROBERT DE N.
" - Je fais pourtant tout pour les arnaquer, les mal-traiter. Je les injurie parfois. Mais c'est comme si ils ne comprenaient pas le français. Rien n'y fait. Ils répètent sans cesse "Oh it's so lovely Paris , suche à wounderfoule siti !". Et il y en a toujours plus d'année en année. C'est à vous décourager d'être patriote."

Force est de constater que ces "gens du passage", comme on les appelle pudiquement, seront bientôt la seule communauté pouvant revendiquer une présence parisienne continue à l’année.

Malgré ses solutions alternatives, expérimentées en juillet 2010, pour le stationnement subaquatique des nombreux bus de touristes congestionnant le centre-ville (voir cliché ci-dessous), la mairie ne semble pas prendre la mesure du problème.

( Le stationnement dans la Seine ? Un essai encourageant mais qui pose encore des problèmes au niveau de l'horodatage.)

Pourtant il y a péril en la demeure, le tourisme influant directement sur le PIB. Pour la ministre de l'économie, qui ne nous épargne jamais d'une pertinente analyse, il existe "un lien irréfutable entre tourisme et baisse de la croissance."

Ce à quoi, Frédéric Lefebvre s'est empressé d'ajouter : « - c’est inutile de se le cacher, les français le savent, la hausse des prix, la baisse du pouvoir d'achat, le chômage à 37% : tout est de la faute des étrangers. » Celui qui vient d'être nommé à la culture étaye ses propos avec, comme à son habitude, un sondage de Paricoti, le journal des urbains de 16 à 36 mois, attestant qu'a 89% les parisiens considèrent que les touristes leur font perdre du temps dans les files d’attente du supermarché.

A ce sujet, le témoignage de Mauricette, rencontrée au Simplet Marquette de l'avenue Auguste Blanqui, est édifiant :

MAURICETTE X.
« - Ces touristes n’ont jamais compris que nous sommes dans un pays moderne. Ici, il faut qu'ils pèsent eux-mêmes leurs fruits, qu’ils amènent leur propre sac plastique et qu'ils rangent tout seul leurs aliments dedans. Et si l'on n'ouvre qu'une seule caisse sur les quinze du supermarché pour les vrais parisiens, il n'y a aucune raison que l'on en ouvre une de plus pour ces touristes qui viennent nous acheter notre pain de la bouche ! Du coup ça bloque. La solution, c'est qui soye pas là."

"Une sagesse populaire douce à entendre qui fait parfois défaut à notre élite déconnectée des réalités quotidiennes" comme aurait pu conclure le regretté Jean-Pierre Pernault, injustement écrasé en plein journal de 13 heures en octobre 2011 par un TGV aux mains des extrémistes du CMAA (Community-Managers Anarcho-autonomes) militant pour la reconnaissance de leur métier et un salaire.

La directrice d'un autre supermarché de la ville se montre, elle, plus modérée.

BENEDICTE B. chef en chef chez Intersection City
« - Chez Intersection City, nous avons pris le parti du touriste. Pour lui, nous avons encore plus de mépris que pour le français. Le français, à la rigueur, pour peu qu’il ait un semblant de sensibilité et un minimum de cojonés, et si toutefois il trouve un salarié en chair et en os, peut encore gueuler dans la langue sur le bordel dans les rayons, les codes barres foireux ou les files d'attente sans fin. Le touriste, lui, a le double avantage d’être un client permanent sans être jamais le même. De plus, il est doté d’une naïveté exotique propice à l’abus et pas besoin de le faire rêver avec des promesses d'économie grâce aux points cadeaux. Ce serait dommage de ne pas en profiter. Et puis à terme, le touriste ne fait pas jouer la concurrence et quand bien même : la concurrence c’est nous aussi. Donc je l’emmerde. Et s’il n’est pas content le touriste, j’appelle le vigile ! non mais... »

Irréfutable bon sens marchand.

Depuis l'interdiction faite aux hôtels de les héberger, les touristes erraient donc nombreux la nuit dernière sous le grésil imbibant les rues de la Capitale, qui avec sa Tour Eiffel en plastique, qui avec son bas relief du soldat inconnu made in Taiwan ou son sac Fauchon. C'est autour d'un Big Mac dans l'un des abris de fortune mis en place par un assureur étranger que nous retrouvons James, architecte new-yorkais venu à Paris en famille pour son anniversaire de mariage : " - On va dormir là et puis direction Roissy, enfin si on trouve un taxi. Je voulais juste en profiter : ici le camembert est presque moins cher qu'à Manhattan. Je suis déçu. »

On le voit, la politique de détouristation suscite les émotions les plus diverses mais le gouvernement ne transige pas : "- Nos opposants sont dans la contestation, nous sommes dans l'action. " a déclaré lors d'un déplacement au Parc Astérix, le vibrionnant secrétaire d'état à la Défense Benjamin Lancar. "- Nous continuerons, dans le respect des droits de l'homme, à œuvrer pour que La France retrouve non seulement sa sécurité, son bien-être intérieur mais aussi ce lustre mondial perdu ses dernière années sous l'influence de la presse trostko-fasciste."

Il n'exclue pas d'aller plus loin, si le moral tricolore et la croissance intérieure ne sont pas de retour. La guerre, peut-être, qui sait ? Avec tous ces non-français qui se multiplient hors de nos frontières, le pire est à craindre.

A la question "quelle est désormais la plus grande menace touristique ?", "les chinois." répond sans sourciller le capitaine Pitaine.

LE CAPITAINE PITAINE
" - Leur classe moyenne s'enrichit à vue d'œil d'ailleurs je suis obligé d'interrompre notre entretien : la BAC de Montmartre vient de me signaler un attroupement de pékinois à la terrasse du café d'Amélie Poulain. Probablement des activistes pour "le retour aux sensations parisiennes". On va leur en faire tâter du savoir vivre à la française. Ils ne seront pas déçus du voyage."

Le combat pour la sécurité à tout prix est plus qu'un combat d'état : c'est un état d'esprit.


14 août 2010

La loi c'est bon pour les autres

par

On appelle ça la gagne. Christian Estrosi, l'auto-proclamé 'ministre des ouvriers" pour qui « la pause c’est de l’action », pour qui le prix du timbre "ça dépend", qui met du Q au service public, pour qui seul Eric Besson pouvait empêcher l'invasion de la Pologne en 1939 et qui, récemment, propose de réindustrialiser la France avec 25 emplois, vise le ministère de l’intérieur dans le prochain gouvernement.

Il brandit la flamme estivale du marketing sécuritaire de son président mêlant provoc' et hiérarchie entre bons et mauvais français. D’autant que localement ça ne peut pas lui porter préjudice : Le ministre pour qui le non-cumul fut un sacerdoce de courte durée est également Maire de Nice, ville la plus vidéosurveillée de France.

Dans une interview au JDD, le voilà donc qui veut sanctionner financièrement les villes n’appliquant pas les lois sur la prévention de la délinquance et l’absentéisme scolaire.

"Il est temps de former une équipe de France de la sécurité où enfin tous les maires assument pleinement leur responsabilité aux côtés de la police et de la justice".

"Les municipalités en infraction devraient avoir aussi l'obligation de publier tous les mois un observatoire de la tranquillité publique et, sous peine de sanction, de mettre à jour régulièrement leur CLSPD, le contrat local de la sécurité et de la prévention de la délinquance".

"Ceux qui ne s'y conformeront pas seront hors la loi".

Soit.

Précisions qu’il s’agit ici essentiellement d’un fichage. L’état sarkozyste, soumis à sa contradiction interne de réduction des effectifs dans la fonction publique, ne peut être partout. Il s’agit donc aux écoles et aux municipalités de faire remonter les listes de déviants. En cas de rafle, l’efficacité il n’y a que ça de vrai ! D’autant que les caméras de télé doivent être là une bonne heure avant pour la balance des blancs.

Mais bon, ne soyons pas un mauvais patriote et ayons l’estrosique soucis du respect des lois de la République. Comme lui, j'estime que c'est primordial pour une vie en société et le respect mutuel des petites gens et de leurs élus.

Il existe une loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain dite SRU qui, entre autres, oblige les communes de plus de 3500 habitants à la mixité sociale avec obligation d’un pourcentage de 20 % de logements sociaux dans les communes de plus de 3 500 habitants.

Seulement voilà, à Nice le logement social représente 7.1 % du parc urbain. Voilà qui fait désordre pour une ville classée en mai dernier numéro un au top du mal-logement français. Alors, je sais que tout bon maire de droite (et malheureusement c'est loin d'être une spécificité de la droite, la deuxième ville étant Paris) aura une tonne d'arguments sur le fait que l'on "manque d'espace", que l'on ne peut rien contre le foncier et qu'un joker législatif sous forme d'article permet de se soustraire à ces obligations moyennant une amende représentant une goutte d'eau dans la fiscalité des communes fortunées, bizarrement les premières concernées. C'est souvent la seule hausse d'impôt dont les riverains s'acquittent sans rechigner[1].

C.Estrosi est à la pointe du concept de ghetto-ville ultra-sécurisée pour riches. La misère étant progressivement rejetée depuis des années hors des fortifications par la pression foncière (et son pendant : le désir d'"avoir plus grand à crédit" des classes moyennes appauvries), on pourra de plus en plus aisément pointer du doigt tout ce bas-monde là pour sa violence et son manque de civisme suivant les échéances électorales et les faits-divers du moment.

Encore faut-il correctement les ficher.

C'est donc dans un esprit de fichage, parce que la société est de plus en plus aléatoire et risquée dans les secteurs du logement et de l'enrichissement des ménages, (insignifiants aux yeux qui ont déjà des richesses et plusieurs habitations) que je fais remonter l'information :

Le maire-ministre ne respecte pas la loi.[2]


[1] et c'est ainsi qu'en guise de logements sociaux, on retrouve dans les villes les plus riches des appartements pour malades d'Alzheimer qui, pour leur confort, ont grand besoin d'habiter au milieu des zones d'activité là où le foncier est le plus élevé et où ils disposeront d'une surface réduite.

[2] Même si au passage, je précise que cette loi est maladroite car permettant aussi la ghettoïsation. Pour une véritable mixité sociale, il faut que chaque immeuble et chaque zone pavillonnaire aient un quotta obligatoire de maisons ou d'appartements à loyer modéré.

12 août 2010

Tous coupables !

par


« - Dehors les romanos ! »

Christian Clavier dans les visiteurs (1992), gros succès populaire du cinéma français de divertissement.

* * *

Lors de mon bref mais intense isolement d'été sans télé ni net, rarement de radio et peu de ces papiers journaux où l'information d'août se carapace en QCM de psycho-cul accolés au fil faits-divers de l'AFP, le peu qui m'est parvenu de la vie politique française fut ébouriffant :

- Des bravades à la xénophobie décomplexée de la part des cerbères, porte-flingues de l'UMP et autres suceurs de boules à visées ministérielles.

- de désespérants appels à la déchéance de nationalité de la part des patriotes de Neuilly.

- Des sondages Dassault (la prochaine fois on nous promet des pourcentages à 3 chiffres)

- Des feuilletons d'arrestations et d'expulsions de Nantes à Grenoble dignes des meilleurs épisodes de Plus belle la vie, avec sa fin alternative en bonus mineur : la mort d'ado à Mantes.

Bref, le gouvernement avait un petit coup de mou depuis deux ans (l'habitude de ses bons résultats en terme d'économie et d'emploi peut-être) mais là tout va bien : il a les choses en main. On va taser ! va pouvoir chanter Gilbert Montagné, les indigents en roulotte et les basanés avec des noms comme Akim ou Youssuf, sonnant pas aussi gaulois que Roger, Enzo ou Brandon, vont dérouiller.

En période de crise, lorsqu'aucune reprise économique autre que celle du train de vie des plus grosses fortunes n'est constatée, la combine éculée du bouc émissaire sur fond d'amalgame et de peur de l'autre, est un classique de la gouvernance pour les nuls.

(UMP 2012, c'est d'abord un axe fort : sensibilité et renouvellement.)

Comme dirait Eric Woerth, rendons d’abord à César ce qui est à César : non, notre monarque n'est pas raciste. Je parie un 747 présidentiel et son four à pizza qu'il préfèrera un arabe riche, musulman ou pas, non naturalisé, à un catholique blanc comme une hostie, tamponné viande française, dont on peut garantir que l'ascendance n'a pas quitté le triangle Lille-Roubaix-Tourcoing depuis quinze générations mais, affublé de ce genre de pauvreté, à base de teint blafard et de doudoune à bas coup, le rendant hautement suspect aux yeux du vigile à peine franchit le portique d'entrée du supermarket à sous-bouffe.

(C'était l'occasion ou jamais de sortir ma dédicace de Tronchet.)

Racisme... pfff... non mais ça va pas. Le monarque est au-dessus de ces considérations cristallisant les idées de ceux qui n'en n'ont pas des masses. En revanche, il s'en sert.
Son sectarisme est tout autre, purement lié au train de vie. A ce titre, il est d’ailleurs complexé : A l’inverse d’un tycoon tel Berlusconi, malgré son auto-augmentation de salaire immédiate de 140% (19.900 / mensuel, histoire de ne pas jouer le rôle du Rom sur le yacht à Bolloré) notre monarque se morfond dans la cour des nains de jardin de l’oligarchie des super friqués. Cette frustration du fils d’immigré hongrois vivant dans un environnement ultra-thuné explique par ricochet son barbapapisme idéologique.

D
e cause suprême, il n'en a qu'une : le pouvoir. Et pour l'atteindre et le conserver, il ne s'interdit rien.

Allez Brice et Frédo : faites entrez les accusés.

- Réveil de la peur des gens du voyage (beuarke, le nomadisme est insulte faite à Century 21, aux valeurs patrimoniales et à la spéculation immobilière).

- Affirmations classées "évidentes" d'un lien entre délinquance et immigration
(même si, mais c'est probablement un point de détail, les sus-mentionnés sont la plupart du temps français).

- Show-off policier sporadique et musclé qui ne résout rien (puisqu'en amont rien n'a été fait et qu'après, rien ne le sera)

Telle est l'offre triple-plaie du forfait présidentiel "Canal parasites"[1]

Passés les signes donnés à sa base électorale de droite déçue par sa politique mais dont le racisme tourne en tâche de fond et auprès de laquelle il fallait trouver un repoussoir bien plus fort que sa propre personne, au-delà du racolage vers l'extrême-droite (avec ce chamboule-tabou offrant toutes les possibilités), le discours sécuritaire ratisse large.

Je ne doute pas que notre monarque consulte sur une base quotidienne ces enquêtes d'opinion made in Beauvau bien plus précises et privées que celles du Figaro et devant toutes conclure que La France (enfin celle qui vote) a peur.

Ils sont nombreux à trembler. La gérontocratie bourgeoise monopolisant les richesses. Mais aussi les jeunes classes moyennes les moins fortunées, happées dans la fleur de l'âge par le crédit sur vingt ans, partageant avec leurs "vieux" ce modèle idéalisé du patrimoine royaume et des deux bagnoles à clim, un désir d'appartenir à la classe sociale d'au-dessus et le dégout pour celles d'en-dessous, le besoin incessant d'accumuler les preuves matérielles de standing et son corollaire... la peur de tout perdre.[2]

Même si le monarque s'est peu appesanti sur le sujet lors de son dernier monologue télévisé : il ne rate pas une occasion de donner des preuves d'amour aux puissants (la frustration toujours) et alimente régulièrement, de par ses lois antisociales et ses cadeaux au Medef, la grosse turbine à merdasse économique qui éclabousse gras.

Le premier péril du citoyen n'est pas la délinquance et encore moins cet autre menaçant mais bien le contexte d'insécurité sociale qui se renforce tout autour (destruction des services publics, explosion du chômage, détérioration du code et des conditions de travail et montée des taxes) et sur lequel les mots sont bien moins souvent posés à la télé.

L'ironie de ce chaos social mené tambour battant par l'UMP et dont les conséquences sont pauvreté et exclusion, c'est qu'in fine : il engendrera bien plus de délinquance, la violence et les vols n'étant pas la conséquence d'une immigration passée mais bien d'une pauvreté immédiate.

Vu sa politique sociale au karcher, le type de rhétorique sécuritaire et le niveau mental des kadors la professant, la délinquance et la violence aujourd'hui collées au front des gens du voyage et aux maghrébins pourrait s'étendre d'un point de vue tout aussi marketing à d'autres catégories de la société.

Anticipons, et faisons ensemble un rêve bleu.


Du camp illégal de gens du voyage aux camps de caravanes de chômeurs en fin de droits, en passant par les bidonvilles de salariés sous-payés et autres classes moyennes sorties de route par excès de dette qui dormiront dans leur voiture (ça c'est vu dans des pays plus riches, et ça commence à se voir ici) : si toi tu feras la différence(rapport qu'avec tes pauvres économies et ton emploi à deux balles tu seras peut-être dans le lot des mis au ban), les sbires monarchiques qui crachent sur tout ce qui n'est pas eux, accompagnés de commandos de caméras HD sur fond de joyeux commentaire d'animatrices d'information formatée, ne la feront pas.

Rappelle-toi : " - Français ou voyou, il faut choisir." a récemment déclaré le comique troupier Christian Estrosi.

Cette montée probable de la violence tomberait plutôt bien pour le monarque au placebo. La crainte aveugle envers les méchants marginaux est indispensable afin de rassurer les gentils qui votent.

Côté cuisine, Brice Hortefeux a, depuis son arrivée, réduit de 11.000 les effectifs policiers et développé chez les autres la culture du résultat au détriment de la veille ou de la prévention, ordonnant souvent de ne pas intervenir en banlieue. Quant à ceux qui se plaignent, c'est la radiation [3]. En matière de "rétablissement de la sécurité" on a vu mieux.
Sans compter qu'idéologiquement parlant, dans la république de l'argent roi, où sont prônés entreprise individuelle et vie sans filet, où toutes les corruptions sont permises au sommet alors qu'en bas de l'échelle, les portes du travail sont constamment claquées à la face de celui qui veut filer droit, ou pire, lui sont ouvertes pour qu'il y soit traité en sous-homme puisque sous-rémunéré : la délinquance n'est qu'une extension logique de l'auto-entrepreneuriat tant célébré.

A vrai dire, je suis même étonné qu'il n'y ait pas plus de délinquance. Les français sont probablement plus honnêtes que leurs dirigeants ...ne le souhaitent.

Résumons :

- Une idéologie vieille qui donne le La pour quelques années encore,
- Malgré les tempêtes sur le front du travail : le renforcement des valeurs bourgeoises, y compris chez les classes moyennes inférieures,
- Une crise sociale qui va durer,
- Un sentiment d'insécurité dépendant largement d'une construction télévisuelle ralliant sur la même ligne La France au Pernault de TF1 et celle "en quête d'action" d'M6.
- Une instrumentalisation électorale de la délinquance sous la houlette d'un monarque qui pousse loin l'art du cynisme, entouré d'un panachage de faux cons et de vrais racistes :

Le pays des lumières entame dans la moiteur de l'été une triste rengaine aux funestes potentialités mélodiques.

Ah... si seulement nos représentants usaient de la même hargne dans le verbe en évoquant l'impérative nécessite de déclarer la guerre au mal logement, aux inégalités croissantes ou aux destructions d'emplois massives... Je ne sais pas si le pays serait plus "sûr" mais nous y partagerions tous un peu plus d'espoir.


* * *

[1] Offre spéciale : les chaines chômage, travail sous-payé ainsi que les programmes économiques contre-performants sont également compris dans le package. En cadeau pour toute adhésion à l'UMP avant la rentrée : la chaîne hot 24/24 des points-presse de Dominique Paillé, livré avec ses kleenex d'aisance.



[2] chacun son truc : moi ma terreur c'est de me prendre de face un gamin fou qui file sur trottinette dans l'irrespect de toutes les règles de sécurité et de me faire tabasser par son père au prétexte que ma présence sur le trottoir est une entrave à la liberté de circuler de son mouflet.

[3] Dans l'excellent documentaire "La police et Sarko" diffusé sur Arte en juin dernier, on apprend même que les policiers ont consigne de s'exprimer ou non sur les caillassages ou les tirs dont ils sont victimes selon les désidératas gouvernementaux du moment.

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