30 novembre 2009

En quête d'action interdite au cœur des preuves exclusives

par
M6, un dimanche soir de 2011. Bernard De la Volardière nous présente un nouveau numéro de "En quête d'action interdite au cœur des preuves exclusives".

BERNARD DE LA VOLARDIERE
Cette semaine, découvrez une émission choc et sans tabou sur un milieu secret : Un univers agité, hostile, bassin de toutes les maladies, sources de toutes les dérives où les polémiques et les frictions ne manquent pas :

"Délinquance infantile, immersion au cœur de la bataille des crèches"

* * *

Le reportage. Musique d'ambiance : Thème d'angoisse sorti de la B.O du Silence des agneaux ou d'un autre film à base de psychopathe mangeur d'organes.

VOIX OFF
Dans une banlieue française comme tant d'autres, voici l'établissement "Sainte Karima" de sulfureuse réputation, un établissement animé et sous haute tension.

8 heures du matin. Les premiers parents insouciants abandonnent leurs enfants. Moyenne d'âge : 23 mois.

Tandis que le personnel inexpérimenté et en sous-effectif déroule les barbelés séparant les différentes sections, déjà les premiers bambins improvisent une course de tracteurs dans l'allée de service.

L'ambiance est bon enfant. Mais ici tout peut dégénérer en un clin d'œil. Jets de canards en plastique, invectives, lancés de biberons : Le réfectoire est le théâtre d'affrontement entre les bandes rivales de la section des chenilles et de celles des papillons bleus.

Ces bandes sont le cauchemar du Capitaine Flamme. La BOC, brigade d'observation des Crèches, est sur le pied de guerre.

9h39. C'est un appel Babyphone anonyme qui donne l'alerte. Des enfants sont en groupe autour du château en mousse. Ça sent la bagarre.

LE CAPITAINE FLAMME
Allez les gars ! 5 ou 6 gamins entrain de crier, on y va !

VOIX OFF
En veille derrière la table à langer, tant que la rixe n'a pas débuté, le capitaine Flamme préfère ne pas intervenir. Mais très vite, les jeunes armés d'animaux de la ferme en modèle réduits se massent autour des poufs Winnie l'Ourson. Les chefs de la bande, appelons-les Rachid et Mouloud, qui à moins de deux ans marchent déjà, profitent d'un moment d'inattention de l'innocente Marie-Cécile pour lui chaparder un cahier de rébus Dora l'exploratrice.

La réaction de la BOC est immédiate.

LE CAPITAINE FLAMME
ON CHAAAARGE !

VOIX OFF

Jeunes et policiers en décousent à coups de Lego et de Lacrymaux. Rachid et Mouloud sont interpellés et n'opposent aucune résistance. Le calme revient.

Ces éclats de violence sont devenus la particularité des crèches, au point d'en devenir les points les plus chauds de la jeunesse française. Face à l'insouciance de parents des cités voisines aveuglés par leurs parcours professionnel, encadrés par un personnel illégal, souvent inexpérimenté et en sous-effectif chronique, des centaines de milliers d'enfants y transitent chaque jour.

Le personnel de la crèche Sainte-Karima est constitué d'une seule employée en charge de la cuisine, du nettoyage, du change des 37 gamins et de la lecture des contines.

Par peur des représailles, l'employée (une sans-papier d'origine roumaine) témoigne floutée. Sa voix sera modifiée. Son expression étrangère et son vocabulaire étant compliqués à identifier nationalement, nous sous-titrerons ses propos :

MARUSCHKA Z.
Miséricorde, la tache qui m'incombe est surhumaine. Il m'est impossible d'en accomplir plus sans risquer l'œdème de Quinke.

VOIX OFF
Au cœur de la crèche, les affaires de la délinquance sont florissantes : Deals de compote, fraudes à la tétine, vandalisme sur peluches, dégradations sur les murs à la craie pastel, coloriages débordant des lignes....

LE CAPITAINE FLAMME
Ces incivilités coûtent cher à la collectivité !

VOIX OFF
Pour tenter d'enrayer le problème en complément de la vidéo-protection, les agents de la BOC renforcent leurs rondes.

11h30.

A l'approche du repas, les esprits s'échauffent. Le capitaine Flamme et ses hommes se dirigent dans les section des libellules. Un indic de grande section leur a signalé une escroquerie au crouton de pain.

Un jeune est appréhendé mâchouillant un morceau de pain alors qu'il a officiellement fini sa purée poulet-brocoli.

LE CAPITAINE FLAMME
Bon bah alors là on le fouille pour voir s'il n'a pas d'armes sur lui... Tiens Bingo ! Qu'est ce que je vous disais !

VOIX OFF
Un des hommes du Capitaine Flamme sort des poches du fraudeur une cuillère en plastique de dix centimètres. Le capitaine soupçonne le tricheur d'être le maillon d'un réseau de plus grande envergure.

LE CAPITAINE FLAMME
Là on est sur du lourd. Cuillère en plastique, paille, hochets, nounours magique, décalcomanies : Il a l'air inoffensif mais ils est organisé. Je suis certain que si on fait une perquisition chez lui, on trouvera toute la panoplie du trafiquant de jouets de fabrication chinoise.

VOIX OFF
Et ce n'est pas tout. Dans le casier du jeune, on trouve aussi du lait concentré sucré non déclaré, et donc nous soumis à l'impôt : Un délit auquel le capitaine est de plus en plus souvent confronté.

LE CAPITAINE FLAMME
C'est de l'évasion fiscale ni plus ni moins.

VOIX OFF
Ramené dans la cellule du local à poubelle qui sert de commissariat de fortune à la BOC, l'interrogatoire se poursuit, avec difficulté.

LE CAPITAINE FLAMME
Alors cékikila amené ? Tu vas parler dit !

MALCOLM X. (jeune délinquant flouté à peau noire)
Areuh beuhha gabouh...

LE CAPITAINE FLAMME
C'est le principal problème qu'on a avec les étrangers : Ils parlent pas notre langue.

VOIX OFF
Devant les réponses évasives du fraudeur, le ton monte.

LE CAPITAINE FLAMME
Tu vas avouer oui où je demande au procureur de t'emmener dans la grotte de la sorcière qui mange les petits enfants !

VOIX OFF
Le jeune tente alors une manœuvre à laquelle la BOC est rodée : Le hurlement suivi de pleurs hystériques.

MALCOLM X.
Maman ! Je veux ma maman !

LE CAPITAINE FLAMME
Bon allez : 24 heures de mise en examen, ça va t'attendrir.

VOIX OFF

Le capitaine aurait bien remonté la filière mais c'est le travail de ses collègues des douanes. De plus, il a un impératif de résultat de la part du ministère de l'intérieur. A l'approche des élections, le président a fait de la question de l'insécurité infantile, une de ses priorités. Il faut dire que les statistiques des cinq dernières années ne sont pas brillantes. Dans les crèches, les vols à l'arraché de jouets sont en progression de 1774 %, les diffamations en hausse de 2420 %, les crachats, vomis et cacas intempestifs, eux, explosent littéralement.

LE JOURNALISTE
Certains disent que en réduisant drastiquement les effectifs de l'encadrement de 350%, le gouvernement a créé les conditions du chaos dans la crèche.

LE CAPITAINE FLAMME
Kiki dit ça ? Des gauchistes utopistes sûrement. Moi je sais pas, je fais mon boulot sans me poser de question. Les commentateurs commentent, moi mon boulot c'est d'agir alors j'agis, chacun son métier. Tout ce que je peux vous dire, c'est que notre budget n'a pas été revu à la baisse. Regardez donc : Un Taser tout neuf !

VOIX OFF
Le Capitaine et ses hommes sont fiers de nous exposer leur arsenal clinquant : Pistolet à décharge électrique, casque à pointes et grenade défoliante. Avec ça, les délinquants en culotte courte n'ont qu'à bien se tenir.

La pause détente est de courte durée. 14h10. Le capitaine et ses hommes repèrent un attroupement suspect à proximité de la salle de sieste. Des jeunes qui préfèrent jouer bruyamment plutôt que de passer cette période digestive à écouter avec leurs camarades le dernier album de Carla Bruni, imposé par décret ministériel au programme des crèches françaises pour l'endormissement des plus petits.

LE CAPITAINE FLAMME
M'sieurs dames, police. Papiers 'siouplait.

VOIX OFF
Devant le manque de réponse assimilable à une insulte à agent de l'état dans l'exercice de ses fonctions, une fouille au corps est opérée par les hommes de la BOC. Le fruit de la collecte fait froid dans le dos.

Crécelle, Schtroumpf grognon, cubes en bois à forme carrées : L'attirail du petit anarchiste en herbe.

LE CAPITAINE FLAMME
Comment t'explique ça, hein ! Un râteau vert ? C'est quand même pas pour se faire des sandwichs !

VOIX OFF
Parmi les interpellés : Des gamines. Ce qui n'étonne plus les hommes de la BOC.

LE CAPITAINE FLAMME
Vous savez l'après-midi, les mioches savent pas quoi faire alors ils trainent à jouer dans la crèche. C'est le désordre. Et à cet âge-là, c'est vite incontrôlable.

VOIX OFF
A peine a t-il eu le temps de finir sa phrase qu'un des voyous s'enfuit à quatre pattes.

LE CAPITAINE FLAMME
Vas-y serre-le, serrre-le !

VOIX OFF
Trois hommes de la BOC maitrisent virilement l'individu, tandis qu'un quatrième l'asperge de gaz paralysant. Du moins le croit-il.

UN DES HOMMES DU CAPITAINE
Oh pétard ! Kika remplacé mes lacrymaux par une bombe de crème chantilly ?

VOIX OFF
Les collègues éclatent de rire. Un peu de malice ne fait pas de mal. La facétie allège l'atmosphère plutôt tendue à laquelle nos héros anti-crime se confrontent au quotidien.

UN DES HOMMES DU CAPITAINE au talkie
Zebra 3, ici Les Experts Toy's are Us, envoyez un tchou-tchou à salade couloir nord. On a coincé une bande préméditant un coup.

LE CAPITAINE FLAMME
Ils devaient vouloir détourner les petits vélos rangés sous le bureau de la directrice pour les envoyer dans les pays de l'Est. Un classique du grand banditisme

VOIX OFF
Direction la cellule de garde à vue. Avec les arrestations du matin, ils sont désormais 17 à s'entasser dans le local à poubelles.

LE JOURNALISTE
C'est pas un peu dur comme condition de détention ?

LE CAPITAINE FLAMME
Pensez-vous : C'est rarement leur première garde à vue. C'est malheureux mais on les arrête une fois par jour en moyenne. En fait, la prison c'est leur vraie garderie. Nous on peut rien faire d'autre. On est là pour les arrêter, alors on les arrête.

VOIX OFF
Hurlements, jets de couches sales... C'est vrai que la faune des sauvageons a de quoi effrayer.

LE JOURNALISTE
Vous n'avez pas peur qu'ils développent une certaine amertume envers l'autorité et qu'ils deviennent violents ?

LE CAPITAINE FLAMME
Vous savez c'est d'abord une question d'éducation. Y aurait surement des contrôles à faire et des enquêtes à mener chez les parents, mais c'est pas notre juridiction. C'est malheureux mais on les récupère comme çà. Nous on est là pour les arrêter, alors on les arrête.

VOIX OFF
Dans le hall d'entrée, la jeune Ingrid, récente recrue de la BOC, use de techniques plus humaines pour décrocher des informations afin d'endiguer sur le phénomène des bandes qui a pris une tournure inquiétante depuis quelques mois.

INGRID
Brian, si tu dénonces celui qui t'as donné le xylophone, je me débrouille pour alléger les charges. Peut-être même qu'on pourra t'avoir une sucette.

VOIX OFF
17h10. Le soleil se couche sur la crèche Sainte-Karima. Au terme de sa journée de prévention, La BOC a procédé à 32 interpellations. Autour d'une grenadine bien méritée, le capitaine et ses hommes font le bilan.

LE CAPITAINE FLAMME
Sur un effectif de 37 gamins, je dirai que c'est une bonne journée. Moins bonne qu'hier mais pas mal quand même.

VOIX OFF
Les premiers parents sont de retour. Excédé de devoir encore s'acquitter de la caution (équivalente à une journée de salaire moyen) pour sortir son petit dernier du local à poubelles, le père de [Mouloud] confesse son désarroi :

LE PÈRE DE [MOULOUD]
Je lui en collerai bien une à ce petit con ! Mais bon maintenant avec l'interdiction de la fessée : y serait capable de porter plainte !

LE JOURNALISTE
Alors Capitaine Flamme : 60 euros par gamin libéré, vous avez pas l'impression d'être des collecteurs de taxes pour le trésor public ? La prévention de la délinquance c'est un business lucratif en temps de crise ?

LE CAPITAINE FLAMME
Oh vous savez nous on est là pour arrêter, alors si vous posez trop de questions je vous arrête. On touche juste une petit commission. Les temps sont durs à cause des sans papiers qui nous piquent notre boulot et toussa, alors ça fait pas de mal. Et puis, on réinvestit beaucoup pour la prévention. Tenez, l'année prochaine on se fait livrer des camions à eaux avec canons à ultrasons et parait même que des milices vont venir nous épauler.

VOIX OFF
L'apéritif est de courte durée. 18h30. Il est l'heure pour les hommes de la BOC de se rendre dans les autres crèches de la ville, récupérer leurs enfants à eux. En espérant qu'aujourd'hui tout se sera déroulé sans heurts.

* * *

Retour sur la plateau.

BERNARD DE LA VOLARDIERE
Voilà, c'est la fin de notre numéro qui, je l'espère, aura contribué à vous donner l'image la plus inquiétante possible de la jeunesse de France et retranscrit l'abnégation quotidienne des héros de la BOC.

La semaine prochaine à cette heure ci retrouvez Valérie Damido pour un Déco and Co spécial prison (parce qu'une détention préventive ça peut être long autant en faire un moment cosy).

Nous, on se retrouve dans 15 jours pour un Zone exclusive au cœur de la jet set spécial pourquoi les patrons du CAC 40 méritent d'être payés double.

27 novembre 2009

La triplette de belle vie

par
Dans le domaine de l'évasion fiscale, il n'y a pas de petites exonérations surtout lorsqu'elles restent en famille.

Exemple, cette petite triplette passée presque inaperçue dans les flots catastrophiques des épidémies de grippe A et de chômdu déversés hier.

Le principe de la triplette est simple. Il s'agit, avant un scrutin, de se servir de sa force de frappe législative pour satisfaire trois types de clientèle à la fois et faire d'une mauvaise journée pour la plupart, la promesse de meilleurs lendemains pour certains.

Les sénateurs ont décidé de relever à 80 ans l'âge limite des grands-parents donateurs pour une somme exonérée d'impôts plafonnée à 31.272 euros.

Personne, chez ceux qui ont un peu de pognon, ne s'en plaindra. Ceux qui en ont vraiment beaucoup d'argent, eux, ont pris depuis longtemps leurs dispositions pour ne rien payer du tout, ni en impôt, ni en succession.

Cette proposition cible la classe choyée de l'électorat UMP : Le vioque un peu thuné mais pas trop, un peu flippé mais beaucoup quand même, qui ne supporte pas de payer pour les autres ces aides sociales dont, vu son âge, il doit bien bénéficier (non, non : Vous ne me ferez pas écrire que c'est lui qui creuse les déficits...) et qui veut bien donner à sa descendance déclassée du moment que c'est défiscalisé.

Ah 31272 euros c'est une somme ! Oui et non. Car le Seb Musset qui renifle le mal partout et dispose d'une bonne connaissance des ambitions de sa classe d'âge, régulièrement sujette à des délires patrimonialistiques aigus, croit deviner qui sont les vrais destinataires du petit pactole non soumis à l'impôt qui va faire un tabac sous le sapin.

Des petits gars dans le besoin :

- Les banques (rechignant à prêter)
- Le secteur immobilier* (en pénurie d'acheteurs pour cause de crédits durs à amorcer)

Ah 31272 euros... Pas assez pour dire merde à la société mais, pour peu qu'ils soient cumulés avec le don parental défiscalisé, assez pour constituer un petit apport sympathique pour couples à revenus insuffisants. Se paluchant depuis des années devant M6déco avec l'autre main sur le PEL, ils vont enfin pouvoir décrocher le prêt immobilier tant espéré.

Et voila une petite évasion fiscale interne revigorant les troupes électorales, stimulant le secteur de la pierre, le tout au profit du grand corps malade : La banque.

Bien sur dans un contexte économique plus pourri que jamais, entre les salaires de misère, les destructions massives d'emploi et l'explosion prévisible des charges foncières, le reste du remboursement des jeunes ménages concernés est de l'ordre du pari**.

Permettre d'acheter des maisons à des gens qui n'ont pas les moyens d'en acheter : Ça ne vous rappelle rien ? Non, ce n'est pas possible, je n'ose y croire... l'état ne favoriserait pas ça !

Certes, c'est une piètre aumône pour les banques. Mais bon, quand tout part en couilles c'est toujours ça dans les fouilles.

Sparadrap sur le déclassement, voué à craquer : Que c'est beau la solidarité façon UMP !

Vous aurez compris que ces arrangements fiscaux de classe moyenne supérieure du passé léguant un peu de pognon à sa descendance fauchée ne concernent qu'une modeste partie de la société.

Pourtant, ce sera l'intégralité des français qui, une fois de plus, paiera le manque à gagner fiscal (plusieurs centaines de millions d'euros) de ce qui aurait pu aller, par exemple, au financement de logements sociaux mais qui subventionnera les banques.

C'est 'inconvénient de la triplette : A la fin, l'argent va à l'argent.


* marche aussi avec un monospace ou un 4X4 pour ceux déjà propriétaires.

** mais comme on dit dans les salles de marché : "plus c'est risqué, plus c'est gagné !"

24 novembre 2009

La tentation du troupeau

par
Je tournais jadis un documentaire sur la transhumance des moutons. Il s'agissait pour les bergers, l'hiver arrivant, de mener des centaines de bêtes des hauts plateaux vers la vallée plus clémente.

En bon parisien, j'avais une image idéalisée voire noble de l'animal. Déception : Sur site, je constatais son imbécillité.

En groupe, il n'est pas plus malin mais plus obéissant. Le collectif compact lui donne même un aspect conquérant et déterminé, presque majestueux. Le troupeau constitué, il devient aisé pour un chien de berger de le mener où il veut. Le bon berger est celui qui a le taux de perte le moins élevé. Dans la précipitation provoquée par les aboiements, quelques moutons tombaient régulièrement de la falaise, se brisaient les pattes sur la rocaille ou s’éclataient le crâne contre les parois des passages ardus.

La bêtise du mouton, c’est une marotte. Mais plongé au milieu avec sa petite caméra, luttant pour ne pas être emporté ou piétiné, on perçoit pleinement sa force d'entraînement.

Ce qui me ramène au message d'une amie qui, après m'avoir fait part de ses interrogations pendant six mois, laissait hier soir une note accompagnée d'un smiley sur son profil facebook :

« Demain, vaccin grippe A. »

Et ce n'est qu'une réaction parmi la kyrielle des volte-face soulagées qui me sont envoyées à la face par les dubitatifs d'hier depuis trois jours.

Bref, nous y sommes : Ce point limite où, impressionnée par le mot "mutation" appliqué à deux cas norvégiens (ah l’exemple norvégien !), titillée par l'évocation du vocable "enfant", bombardée par le compte à rebours des écoles fermées (264 sur 66.000 ce qui nous fait un apocalyptique 0.3%) et les menaces mortelles d'une Ministre de la Santé (de qui?) passée en mode terminator, la foule bascule et, après avoir boudé les centres de vaccination s’y précipite par paquets de beaucoup.

Enfin... si j’en crois cette télévision qui multiplie depuis quatre jours les émissions sans autre point de vue que Le vaccin c'est pas obligatoire, c'est obligatoirement à encourager (tu captes la nuance connard ?).

Le bon message répété et répété par des médias et un gouvernement occupant la majorité de leur temps d'émission à escamoter les vrais problèmes quand ils ne déroulent pas le tapis publicitaire aux banquiers, peine la brebis galeuse que je suis à me convaincre qu'il en va de mon bien.

Néanmoins, le revirement populaire, plus sécuritaire que sanitaire (tombant au moment où sont annoncés de nouveaux mouvements sociaux), est déstabilisant pour celui qui reste sur place : Nous ne sommes pas au pays de l'union pour le mouvement populaire pour rien.

De l’esprit de consommation appliqué à la santé publique.
La polémique contre le vaccin était hype, elle est désormais dépassée.

L'habitué aux shoots publicitaires se rend aujourd’hui d'un seul homme dans les hypermarchés de la piquouse en exigeant sur le champ de consommer de la sauvegarde en seringue. Les abstentionnistes de la rentrée font désormais deux heures de queue et insultent le personnel parce que cela ne va pas assez vite ! Que même si on leur fait un update dans trois mois parce que la première version était buguée, ils y reviendront !

Concentrations humaines et files d'attente interminables en plein froid devant les Bachelot Centers : Les conditions idéales pour attraper la mort comme on dit.

Il paraît que suis particulièrement exposé. Pensez-donc : Trentenaire, pas une grippe en vingt ans et de gauche. Je suis plus qu'en danger, je suis une menace statistique !

Rien à faire. Je reste confiant dans ma méfiance envers une opération qui sent l'opération juteuse, le test, la communication (coup de la pénurie alors qu'il y a plus de vaccins que d'habitants), l'infantilisation et si peu la sincérité ou la santé.

Non vacciné, je sais quoi craindre : La grippe A.

Suis-je rationnel ? Le sont-ils ? Chacun cherche son chien de berger.

Que ceux qui veulent la solution miracle à un problème qui existe peu, optent pour l'aiguille qui rassure. Mais attention, il en va dans ce domaine comme dans deux autres, connexes, que sont la grande distribution et la politique : Au bout de quelques années, plus personne ne reçoit vos plaintes pour malfaçon et usage défectueux.

Autres articles sur le sujet :
Hygiène de l'entreprise
Grippe A, le plan B
Virus

Et rediffusons à notre tour :


23 novembre 2009

Le réseau du plus fort

par

Mollesse nationale et familles emprisonnées dans leurs 4X4, avec mômes et Cofinogas au milieu d'embouteillages sur la route du Kipositive : Le week-end est le moment idéal pour saturer les ondes de faits-divers et d'anecdotes à haute valeur symbolique ajoutée, vaselinant le passage pour de futures taxes ou lois liberticides.

Ces deux derniers jours, j'ai eu à trois reprises l'écho d'une information capitale (sortie d'un autre continent avec même images pour tous) livrée clé en main par une agence de presse :

"Une salariée québécoise en congés maladie pour dépression s'est vue suspendre ses allocations car son assureur a observé une photo d'elle souriante sur facebook."

Stupéfiante nouvelle : Les indemnités journalières de la salariée dépendent d'un assureur privé. Zut aucun des trois médias (Europe 1, France2, M6) ne s'attarde sur ce point.

Penchons-nous sur cette information dont la redondance et la similarité du traitement radio-tv montre comment l'ancien monde considère Internet :

1 / Accroche qui interpelle : La salariée spoliée.

2 / Le descriptif qui passe en dix secondes de la mésaventure de la victime au point de vue de l'employeur pour s'étendre sur les dangers d'Internet (c'est une gigantesque mémoire etc...) et finit en culpabilisant l'utilisateur, ce grand enfant qui va bien devoir finir par accepter une loi parce que vraiment quel irresponsable.

3 / Conclusion : Internet = Péril personnel. Vous = Crétins incapables d'agir pour votre bien. Conseil final entre les lignes de l'information HD : Arrêtez de communiquer entre vous et reviendez regarder not'télé.

Le top est atteint dans le 19.45 d'M6 le 22 novembre (à 11.30)

A propos de l'affaire québécoise, l'animatrice d'information annonce un sujet sur "les dérives des sites communautaires". Comme dirait l'autre, les mots ont un sens. C'est vrai que la nuance chez M6, c'est pas trop d'actualité. Le sujet qui se limite à une interview d'avocat fait l'impasse sur les images de l'agence de presse pour directement balancer un sondage (supposé caution de vérité alors que la question est à participation libre et que la réponse n'a aucune valeur statistique fiable).

La question est :

"Les réseaux sociaux sont-ils un danger pour la vie privée ?"

Réponse : OUI à 71%
> sondage réalisé avec la collaboration de msn (qui a foiré le virage internet du réseau social) <

Et hop ! Voilà comment, en profitant d'une information à peine évoquée, je te balance en 20 secondes ma publicité anti-réseau social, je fais le boulot d'une agence de presse gouvernementale au terme d'un week-end de bourrage de crâne et je te culpabilise l'audience avec sa complicité.

Manquait plus que le micro-trottoir appelant à la prison pour la salariée !

Hypothèse : Appliquons cette déontologie journalistique à une autre situation.

Annonce de l'animatrice d'information : "Une jeune française s'est fait violer dans un club de vacances par un vendeur de chouchous."

Sujet (version médias du week-end) : "Alors qu'elle se baignait sur la plage en bikini, la jeune Isabelle s'est fait violer par un vendeur de chouchous. La prolifération des maillots de bains devient une menace pour l'intégrité physique des femmes. Enfin, tant qu'une loi sur une tenue décente exigée en vacances ne sera pas votée, il est à craindre que les viols se multiplient."

Sujet (version M6 du dimanche) : Pas de sujet, on passe directement au sondage à deux balles (en collaboration avec l'institut des vendeurs de chouchous et des fabricants de sacs en toile de jute)

"Si les femmes restaient chez elles, vêtues d'un sac à patates cadenassé, seraient-elles moins violées ?"

Sermonner à l'internaute que les réseaux sociaux sont dangereux, qu'il est irresponsable et qu'ils doivent tous se brider parce que l'un d'eux a été abusé, c'est comme d'affirmer à toutes les femmes, au prétexte que l'une d'entre elles s'est fait violer par un obsédé à 5000 kilomètres de là, que la plage est un lieu de haut péril, que les maillots deux pièces sont des armes de catégorie 5 et que bon, être femme c'est chercher les emmerdes.

Les risques ce ne sont pas les informations diffusées sur le réseau social mais bien ce qu'en font certaines personnes. Ce ne sont pas les utilisateurs qu'il faut intimider mais les usages abusifs de ces données qu'il faut condamner

Cette information (hors-actu in-propagande) de M6 est en parfaite adéquation avec l'humeur politique et législative du moment : Faire porter la responsabilité mentale des crimes sur l'ensemble des victimes potentielles au lieu de s'occuper sérieusement des coupables et, encore moins, des raisons de leurs agissements.

La loi (et les médias) doivent protéger la victime, non le coupable. Normalement.

A priori, la semaine prochaine sur M6 : Le boum des réseaux sociaux d'entreprise sécurisés avec login et mot de passe livrés par l'employeur.


Illustration : Benjamin Heine

19 novembre 2009

Chaque main doit être un but

par

Tu n’étais pas trop fan de foot. Tu avais déjà une mauvaise image de l'équipe de France. Tu subodorais que la coupe du monde de football n'était qu'une gigantesque machine à thune et qu'il serait inconcevable que certains grands pays de tradition publicitaire n'en fassent pas partie. Tu constatais déjà jour après jour qu'à défaut d'identité cette nation foulait joyeusement du pied justice et équité :

Le match barrage France / Irlande du 18 novembre 2009 était pour toi !

Une équipe d’Irlande qui domine au jeu puis au score tout le match. Une équipe de France incapable de cohésion, ratant passe sur passe, baladée d’un bout à l’autre du terrain et qui, laborieusement, au terme d’une double faute et d’une bonne gruge de son capitaine marque un but honteux mais décisif que la planète entière, sauf l'arbitre, voit.

Commentaire de l'animatrice de l'édition nocturne d'une chaine d'information continue à la vue de l'accablant ralenti qui offre à La France son ticket pour la Coupe du Monde 2010 :

"- Les images sont terribles pour les Irlandais."

Non ma chérie, les irlandais ont bien joué.

Les images sont terribles pour les Français.

[update : 20.11 / Illustration - photoshop en panne les jours d'avant !]

18 novembre 2009

Echapper à l'impôt : La méthode multinationale

par
Comme quoi la suppression de la publicité sur les chaines publiques à partir de 20 heures a du bon : Elle permet d'envoyer balader les sponsors.

Lundi 16 novembre, l'émission Pièce à conviction a, pour la première fois à ma connaissance, expliqué de façon intelligible et à une heure de grande écoute le mécanisme des prix de transfert.

Les prix de transfert permettent aux compagnies multinationales de se gaver avant même que leurs produits ne soient mis en vente.

Ultra libéralement simple :

1 / Une entreprise française, appelons-la kipositive, fait fabriquer un tee-shirt par un môme dans un sweat-shop asiatique. Cout unitaire : 0,10 centimes.

2 / Au lieu de le vendre directement à sa filiale dans le pays final de distribution 10 euros, kipositive se revend le tee-shirt à elle-même 1 euro dans une filiale off-shore. C'est une ligne comptable, le tee-shirt n'y transitera jamais. (Contrairement à ce que vous dit votre Monarque, les paradis fiscaux se portent mieux que jamais.)

3 / La filiale le revend à son tour à sa boutique française : 10 euros. Comme la filiale propriétaire est située dans un paradis fiscal, elle n'est pas imposée sur le bénéfice de 9 euros.

4 / Vous achetez le tee shirt 15 euros dans un centre kipositive : "oauh la vache trop pas cher le tee-shirt X-men !" (vous le payez 150X le prix, l'état se prend 20% de TVA et l'entreprise n'est quasiment pas imposée. Et puis ça fait bosser des caissières, enfin plus pour longtemps.)

5 / 90% des sociétés du CAC40 profitent de ce système afin de détourner des milliards d'impôts (chiffre impossible à savoir : Bercy ne veut rien laisser filtrer). Dans le même temps, l'état en déficit ferme 182 blocs opératoires pas assez rentables et taxe les indémnités des accidentés du travail, histoire d'économiser une poignée de millions sur votre (mal de) dos.

6 / Dans cette équation quasi-mafieuse adossée sur la complaisance des gouvernements occidentaux au premier desquels le notre, la boutique et ses salariés ne sont qu'un prétexte. On expliquera alors mieux certaines fermetures de magasins de chaîne.

L'émission de France 3, remplissant une véritable mission de service public, est visible ici. Le reportage en question ainsi qu'une interview d'Eva Joly se trouvent dans la dernière partie.

16 novembre 2009

Tarte ta thune (à la mode de Paris)

par
Voici un plat d'hiver très simple mais qui fait toujours son effet et qui, selon que vous êtes faible ou puissant, occupera vos week-end de misère ou redonnera des couleurs à vos mauvais sondages sécuritaires.


Ingrédients :
- 5000 potes brisés.
- Des pommes et des têtes d’œuf, choisir très crédules et / ou avec des fringues à gros logos ricains.
- Un cube de levure magique.
- Une carotte (réutilisable)
- Un publicitaire (indispensable).
- Un fait-tout
- Une terrine.
- Un plateau télé.

Décoration :
- Quelques CRS.
- Une ou deux voitures.
- Des fourgonnettes.

Recette :
- Préchauffez le four 4 ou 5 ans sur thermostat haine de l’autre et suprématie de la CB.
- Beurrer le mou de la nation avec du bling-bling.
- Épluchez les pommes, épépinez-les. Tout en leur faisant l'apologie du mérite et du travail bien fait, coupez-leur tout espoir de réussite honnête et sortez-les du travail.
- Mettre les 5000 potes brisés dans un fait-tout de fabrication française.
- Demander à un publicitaire de réfléchir deux jours (attention pas moins).
- Laisser le publicitaire secouer une carotte au dessus du fait-tout tandis que le contenu de celui-ci se transforme lentement en laid.

- Versez le laid prit dans une luxueuse terrine (symbolique mais déserte) de marque Patrimoine de France, nous avons choisi le modèle Champ de mars.
- Plongez quelques œufs durs dans le laid.
- Lancez dans la terrine un cube de levure magique idéologiquement compatible avec les potes brisés, type Speed Pognon à prise rapide.

- Tandis que vous tapissez votre plateau télé de CRS, incorporez y quelques caméras reliées en direct aux régies des chaines d'information continue.
- Laissez mijoter tout un samedi matin.
- Laissez les médias faire monter la sauce à base de rumeur d'annulation.

- Avant ébullition, un peu avant le JT de 13 heures, sans mettre de gants, retirez le carotte et le cube de speed pognon et étalez le con tenu de la terrine sur le plateau télé.
- Planquez le publicitaire.


- Laissez caraméliser devant les caméras une ou deux voitures. Prendre garde aux projections et jets de fruits.
- Lancez les caméras (toujours précédées des CRS). Farcir les fourgonnettes de pommes.
- Reconduire fermement vers le RER
les surplus de pommes qui se voyaient déjà en Porsche .

Suggestion de présentation :
- Pour une meilleure pénétration du palais, agrémentez éventuellement d’un point presse de Frédéric Lefebvre (au coulis pénal)

Avertissement :
- Malgré son aspect riche et copieux, ce plat peut laisser sur sa faim.

Astuce :
- Marche aussi avec les classes moyennes. (remplacez le publicitaire par un conseiller financier et les CRS par des établissements de crédit).


14 novembre 2009

Et l'identité sociale ?

par
"D'ailleurs s'il en y a que ça gêne d'être en France, qu'ils ne se gênent pas pour quitter un pays qu'ils n'aiment pas."

Sur ces mots prononcés par celui qui était alors Ministre de l'Intérieur, je quittais mon pays en 2006. Comme Marie NDiaye, le Goncourt en moins

Quelques mois là-bas et je réalisais que c'était d'une France à la Machin dont je ne voulais pas.

Je revins donc dans notre beau pays fort de deux convictions :


1 / On n'émigre jamais par plaisir.

2 / Ne pas laisser à Machin (ne jurant que par l'Amérique de ses fantasmes) un boulevard pour définir ce que devaient être le devenir d'un pays (dont il n'aura de cesse de réarranger le passé) et l'idée d'une France que, de La Princesse de Clèves conspuée à son mépris ostensible des citoyens en passant par sa karchérisation des acquis sociaux entrecoupée de tours de jogging paparazzé dans son tee-shirt NYPD (oui chez lui, c'est aussi de la politique), il n'aura de cesse de piétiner l'héritage.


Début 2007, j'espérai un peu prématurément que les français y verraient clair. 30 mois plus tard, l'euphorie générale a laissé sa place aux déceptions individuelles. Du coup, faute d'arranger le pays et parce ça sent un peu les élections, Machin nous reparle Nation (le cadet de ses soucis, lui son kif c'est le pouvoir et le pognon).

Au lendemain d'une nouvelle OPA discursive sur l'identité nationale, fourre-tout cache-misère, l'INSEE publie sa réponse à la question sans fin du premier des Français (à s'en moquer) via le portrait social annuel du pays.

A défaut de carte d'identité nationale, voici une brève fiche signalétique de cette France de 2008 dont Machin ne veut pas parler. (Il faudra attendre un an de plus pour les glorieux chiffres de 2009).

Question chômage...
"Au cours du 1er semestre 2009, le recul du marché du travail s’amplifie avec plus de 270 000 destructions d’emploi. Les perspectives à court terme sont médiocres, l’ajustement à la baisse de l’emploi sur l’activité n’étant pas achevé. Le taux de chômage passe de 7,1 % au 1er trimestre 2008 à 9,1 % au 2e trimestre 2009 en France métropolitaine
[...] Le nombre de chômeurs augmente donc de presque 30 % en un an et demi. Par ailleurs, de nombreuses personnes se retrouvent au chômage partiel. [NDLR : alors que c'était en baisse depuis 20 ans]. En réaction à la crise économique, et afin de limiter le nombre de licenciements économiques, les modalités d’autorisations du chômage partiel sont assouplies fin 2008. Le recours à ce dispositif s’amplifie début 2009 et 320 000 personnes sont dans une situation de chômage partiel ou technique au 2e trimestre 2009, [NDLR: principalement dans l'industrie et à 70% des hommes] soit un niveau équivalent à ce qui était observé en 1993."

Question salaires...

Ils augmentent en 2008 en moyenne de 0.2 % (+ 0.1 % pour les ouvriers, -0.1 % pour les cadres). En 2008, comme on dit, les primes sautent. Les salariés ne sont plus du tout en position de force pour négocier quoi que ce soit. Les femmes gagnent toujours -20% que les hommes. Et c'est la rémunération horaire nette des plus de 55 ans qui augmente le plus (+8% en 6 ans).

Une seule catégorie tire son épingle de ce début de mauvaise conjoncture : Les 1% de très hauts salaires. Leurs rémunérations sont au top des progressions dans des secteurs ne représentant que 20% de l'emploi salarié total (finance, commerce de gros, ingénieurs).

Le rapport souligne également l'écart croissant sur onze ans entre le bas de la pyramide salariale et son sommet (touchant 6,5 fois le salaire médian en 1996, pour 8,5 en 2008).

Vous trouverez également d'intéressantes données sur les revenus (le pouvoir d'achat quoi...). dont le niveau moyen stagne (18170 euros par an, soit 1510 euros mensuels) pour remonter début 2009 (à cause de la chute des prix). En 2007, le taux de pauvreté monétaire est de 13,4 %, soit 8 millions de personnes. 9,9 % des personnes actives ont un niveau de vie inférieur au seuil de pauvreté alors que 15,3 % des inactifs sont dans cette situation. Le travail ne protège plus de la pauvreté : 1,9 million de personnes en emploi vivent en 2007 en dessous du seuil de pauvreté. Même les possesseurs d'assurances vie et les propriétaires immobiliers morflent (comprendre : Ils gagnent moins qu'avant, environ +3%).

En croisant les données, on peut conclure que si vous étiez un ouvrier, homme divorcé, de 50 ans et que vous aviez fait un placement immobilier pour compléter vos revenus (grâce aux banques et autres promesses électorales envers La France des Propriétaires, il y en a) : 2008 n'était vraiment pas votre année. (Pour peu que vous ayez voté Machin, alors là vraiment vous devez vous mordre les couilles.)

On trouvera également la confirmation via un long article que les travailleurs pauvres sont favorisés (pour une fois) par l’association de la prime pour l’emploi (nouveauté 2009) et du revenu de solidarité active. Le cumul forme un revenu bâtard les empêchant de boire le bouillon mais avec ces fâcheuses conséquences de ne pas les sortir de cette situation et d'officier comme un vrai dumping envers les emplois classiques à temps plein en bas de l'échelle des revenus. Pour peu que l'employeur ait des allègements de charges (et autres suppressions de taxe professionnelle), on ne s'y prendrait pas autrement pour installer un salariat de seconde classe flexible et bon marché dans lequel le patronat pioche à la carte. En gros, le travailleur pauvre d'aujourd'hui est un peu le stagiaire d'hier, sauf que lui ce n'est pas dans l'entreprise mais dans la vie confortable qu'il ne rentrera jamais.

Un rapport que je vous invite à fouiller, qui n'est que la surface comptable du climat social mais qui a le mérite d'être officiel.

Conclusion : Si Machin au service du tout-au-fric veut nous causer d'identité nationale à nous autres pov'cons :

1 / Qu'il nettoie d'abord un peu son exercice quotidien de la république à base de contrevérités, de mensonges, de discours creux et / ou clonés.

2 / Qu'il s'attaque à la précarité et contribue à la réduction des inégalités.
(N.B : Autre qu'en favorisant le travail sous payé.)
Bref, que Machin arrête de se soucier de La France et qu'il s'intéresse un peu plus aux français pour changer. (N.B : Autrement que par sondages.)

Alors seulement, je l'appellerai Président.

Parce que là j'ai comme un doute sur l'identité républicaine.

9 novembre 2009

Le vent de la liberté (saveur pomme)

par
Malgré la crise secouant le bloc occidental, ces années-là les happenings révolutionnaires à dimension multinationale, répondant à la soif de consommation de peuples aux certitudes malmenées, se répandaient translucides et cubiques de capitale en capitale.

La rumeur enflait depuis des semaines, relayée par les stratèges du marketing. Dans la ville lumière l'ouverture serait prochaine. Ce n'était plus qu'une question d'heures.

Le second samedi du mois de novembre, Paris céderait à son tour au vent d'émancipation planétaire.

Bravant les risques de grippe A et les bourrasques glaciales, la veille au soir les plus épris de liberté convergeaient vers la porte du Louvre arborant tee-shirts et tatouages à la gloire du sauveur.

Vers minuit, au pied du mur, furent installées des barrières de sécurité. La foule se résignait de bonne grâce. Pas question de forcer les horaires ou d'outrepasser les règles marchandes : Tous en ligne ils attendraient. Tous en ligne ils feraient partie de l'évènement dont ils parleraient la gorge nouée à leurs petits enfants. Tous en ligne ils s'acquitteraient de l'objet par carte de crédit à débit différé. Une fois rentrés chez eux, tous en ligne, ils échangeraient leurs impressions sur cette exceptionnelle communion.

Les attachés de presse (qu'on appelait encore à cette époque des journalistes) se précipitèrent (comme ils l'avaient fait la semaine d'avant avec le block-buster post-mortem de Michael Jackson) pour interviewer les précurseurs du suivisme. Un tel engagement spontané de la part de la jeune génération se devait d'être gravé pour l'éternité de l'information continue à dominante publicitaire.

20 ans après, les témoignages n'ont rien perdu de leur intensité :

"- Heu, moi je viens pour le tee-shirt"

"- Steve Jobs, c'est mon dieu"

"- Bah moi, je suis là, parce que c'est unique quoi. C'est magique parce que c'est unique et parce qu'il faut être là."

"- On va enfin être un pays moderne en harmonie avec le monde."

"- C'est comme quand j'étais devant mon plasma pour le lancement de la TNT, je pourrais dire que j'y étais !"

S'en suivrait une longue nuit et une température proche de zéro particulièrement rude pour les nerds les plus frêles et les compagnes de geeks.

Vers 6 heures du matin, ils étaient plusieurs centaines.
Frigorifiés ou néophytes, tout le monde ne pouvait suivre la puissance référentielle des historiens de la marque. Et pour cause : Certains n'y connaissaient rien en informatique, n'étant même pas équipés des appareils labellisés par le régime à la pomme. Ils subissaient sans mot dire les anecdotes de rebootage, de migrations victorieuses d'OS et de suprématie du système. Même s'ils se contentaient d'un heil-pod d'il y a six mois, désormais totalement obsolète, ils resteraient fidèle à la marque et aux valeurs de transgression et d'élitisme qu'elle véhiculait.

"- Moi je suis là pour le tee-shirt gratuit à tirage limité." S'écriait l'un d'eux, tout fier, devant une camera retransmettant en direct ses ambitions révolutionnaires.

A 7h15, les vopommes à tee-shirt rouge chargèrent la foule pour l'encourager et la divertir, distribuant sucreries et cafés.

A 8h02, sous la pression populaire, les gardes reçurent l'ordre d'établir une première brèche dans le dispositif et un premier millier d'individus pénétra dans la pyramide de verre, anti-chambre illuminée : Purgatoire avant l'eden cube, et accessoirement porte d'entrée du plus grand musée de France.

La pénible attente de la dernière ligne droite fut trompée par de nouvelles discussions enfiévrées.

"- Houah t'as vu c'est Vincent Cassel !"

"- Et là-bas, les gars du Petit Journal : On va passer à la télé !"

10h00, le rideau de fer fut officiellement levé. Cohue générale. Les vopommes en rouge reçurent l'ordre du bouillonnant manager d'acclamer par des holas la foule libérée. Les tee-shirts publicitaires numérotés et empaquetés dans une pyramide en plastique furent distribués par les souriants sbires ornés d'Heil-pod.

Malgré les budgets faméliques, l'attente trop contenue se transforma en une frénésie d'acquisition de coques et de gadgets estampillés du logo fruité. Oubliée la pauvreté des références proposées, la foule, chien fou sans collier, achetait au prix fort tout et n'importe quoi, le plus souvent des produits manufacturés pour une bouchée de pain dans des sweat-shops loin des regards : Le gros du prix tenant aux frais engendrés par les campagnes publicitaires à l'origine de l'hystérique matinale.

Très vite, à l'instar des autres succursales bondés de la marque, régnait dans l'heil-boutique une étouffante condensation concentrationnaire à couper au couteau. Encore plus vite, ceux qui avaient attendu toute une nuit devant le mur, attendraient encore aux caisses. Telle était leur destinée, patienter pour le produit parfait à bel emballage.

La nuit tombait, ils sortaient du magasin d'empire avec leurs heil-sacs génériques. Fatigués, meurtris mais victorieux, les supporters s'écrièrent d'une seule voix:

" - Le PC c'est ringard !"

Ils étaient heureux. Le manager encore plus :

"- Tant que les cons se comportent comme des crétins, on a pas fini de se faire des marges d'enculé."

C'était il y a 20 ans, le 7 novembre 2009. Ce jour marquait d'une pyramide en plastique blanc remise en vente dans l'heure sur le réseau, la chute des utopies.

5 novembre 2009

La France a peur (puisqu'on lui dit)

par

A l'heure du bilan, lorsque nos arrières petits-enfants commémoreront la chute du mur de l'immonde, il conviendra de ne pas oublier la contribution appuyée des médias d'antan.

Au premier rang en terme d'efficacité, les radios périphériques privées.

Votre rédacteur écoute de moins en moins ces antennes, les douches d'acide publicitaire et l'information orientée lui rayant l'oreille. Mais bon, la curiosité nourrit le blogueur.

En début de semaine à la mi-journée, heure de forte audience, sur le chemin de l’imprivatisable poste de mon quartier, je scanne les ondes par heil-pod et tombe sur une tribune offerte aux auditeurs d'une station populaire d'obédience luxembourgeoise.

Dans le prolongement d'un article du Figaro paru le même jour relatant les retombées positives de la vigilance citoyenne dans un lotissement de Grasse[1], et introduite par un reportage audio enjoué soulignant le "côté humain" de cette "expérience" qui "apprend aux gens à se parler" qu'"aucun citoyen ne conteste", s'ouvre une discussion décontractée sur les comités de surveillance baptisés "voisins vigilants" testées dans 4 départements et première étape indispensable vers la constitution de polices privées.

Une porte-parole du lotissement (diction claire pour voix ronde à réponses carrées) saisit avec une assurance et un rodage fleurant bon la préparation, les baballes que lui lancent des journalistes bien conciliants :

"- Je surveille les aller et venus [...] les voitures suspectes [...] les démarcheurs à domiciles [...] ceux qui n'ont à rien à faire là et je les signale à la gendarmerie."

Et le journaliste standardiste de s'interroger : "- Mais c'est pas un peu à la tête du client ? [...] il n'y a pas un risque de délation ?"[2]

Penses-tu Lulu.

" - Non, pas du tout, c'est de la prévention. [...] la délation ce serait est une dénonciation intéressée. " Répond la dame du bon côté de l'identité nationale.

Le mot magique de "prévention" est abondamment répété. Moi, pour un meilleur entubage, j'aurai opté pour l'expression "prévention verte" : Il y a probablement un bilan écologique positif quelconque (économie d'estafette ou de tazers) à tirer de cet auto-flicage.

" - Et vous avez obtenu des résultats ? " demande le passe-plat à carte de presse.

La voisine vigilante, pourtant parfaitement aguerrie à la promotion de sa petite police autonome, perd un peu de son aplomb. Sur deux ans, elle avoue n'avoir choppé qu'un VRP sans papier, expulsé dans un lotissement lointain. Mais les chiffres (collectés par qui ?) sont formels : Les cambriolages ont chuté de 20% dans le quartier. En attendant, je pari une castration chimique que, comme plus de 20% des habitants du quartier, sa vigilance citoyenne ne l'aura pas empêchée de se faire refiler au prix fort et par téléphone des Natixis par son fidèle conseiller financier (a.k.a l'escroc) jamais à court de réponse dès lors qu'il s'agit de trouver une parade à l'angoisse existentielle qui ronge le petit bourgeois : Que faire pour que mon pognon en trop, me génère, à moi et à moi seul, du pognon en plus ?

Mais attention Mamy sifflet s'insurge à la moindre insinuation journalistique d'un retour des "milices". Maréchal si tu les entendais, ces odieux journaleux ! Elle déploie le paratonnerre et nous tartine du "civique" et du "citoyen" sur tous les mots. C'est beau comme du Guaino.

Exemple :
"- Ce sont des lieux [nos pavillons à nains de jardin] qui sont souvent vides et qui peuvent attirer des cambrioleurs. Nous faisons ça [fliquer et dénoncer] par esprit civique."

Rappel :
Le vioque de droite (dont les conditions d'acceptation ne se résument pas à des critères d'âge et de fortune, bien au contraire) qui vit dans les régions chaudes, retrouve le goût et les vertus de la solidarité si, et seulement si, il s'agit de la sauvegarde de ses petites possessions et des villas secondaires de ses voisins riches convoitées par les pauvres parasites plébéiens, gitans, locataires et autres terroristes.

Comme ça fait déjà cinq minutes (une éternité en radio) que le tapis rouge est déroulé à la petite dame à la haine tranquille, le journaliste lui oppose un intervenant... d'accord avec elle : Un habitant (membre du conseil syndical) d'une résidence pavillonnaire du Val d'Oise qui va "penser sérieusement" à revêtir le kit du parfait policier en toc.

"- On va faire des rondes en voiture et des tours de garde !".

Le constat du Bronson des jardinières est clair, "il n'y a pas assez de police", sa conclusion cristalline "la meilleure citoyenneté, c'est de s'organiser et de pallier les défaillances publiques". Il en veut l'assoiffé de prévention. Entre la publicité pour siège de jakuzzi automatisé payable en trente-sept fois sans frais et deux pilules de DHEA, on astique déjà les tonfas made-in-china au pavillon du vieux gland.

Cette demi-heure en prime-time radiophonique, pour et par le peuple, sur les bienfaits de la police privée et de la délation (euh pardon : de la vigilance de voisinage et de la remontée d'information civique) se poursuit sans incidents majeurs. Nos deux chauffeurs d'opinion détendent l'atmosphère (un poil pesante pour qui a le sens de l'éthique et de la déontologie journalistique) à base de vannes à la Chuck Norris du style "les voisins vont vous faire la fête"[3] et se désolidarisent des propos d'un auditeur réactionnaire (comprendre celui qui est contre cette modernisation des mœurs) criant au revival de la collaboration à la française.

Pour l'honneur, un auditeur punching-ball de dernière minute rappelle que nous payons des impôts et qu'il s'agirait peut-être de mieux les utiliser (meilleures formation et répartition des policiers, augmentation des ouvertures des commissariats de proximité...) Bizarrement, son phrasé est moins fluide, son discours moins rodé, la qualité technique de la communication pas aussi bonne et il est repris tout le temps. Ceci expliquant, peut-être, un temps de parole plus court.

Bien sur, pas une seule fois ne seront évoquées les véritables raisons du débat : Les mauvais résultats sur le terrain du chantre de la logique sécuritaire. Une fois encore, le problème est pris à l'envers. Au lieu de soigner les causes, on débat de la privatisation des conséquences. La preuve par l'exemple radiophonique que même avec son karcher cassé, tant que la misère morale des proprios du jardin est caressée dans le sens du brun, ils en restent à rager sur l'herbe au lieu de blâmer (Nicolas) le jardinier.


"Moi je suis vigilant. J'ai mis un rottweiler dans mon jardin. On est pas des meurtriers mais on essaye de garder le bien qu'on a."
in "Les auditeurs ont la parole".
Sur le fond, précisions que si je ne suis pas un fondu de la maréchaussée mais j'admets qu'elle est nécessaire et à l'instar de Didier Super que parfois il y en a des biens[4]. En revanche, je vois de mon plus mauvais œil les débonnaires de la barbarie qui au nom de leur patrimoine (des insultes écologiques en béton pourri dans l'arrière-pays avec piscines de m'as-tu-vu) se prennent pour les garants de l'ordre, ne demandant qu'une carte blanche gouvernementale, un alibi, le plus petit dénominateur commun sous forme de menace diffuse, pour laisser éclater en toute sécurité morale et législative leur haine de l'autre [5].

Je bascule l'heil-pod en mode funk, songeant aux éventuels supplices anaux "civiques" et "citoyens" à "tester préventivement" auprès de certains récidivistes du gouvernement pour leur recalibrer les fondements républicains, et atteint enfin la poste pour déplorer sa fermeture définitive.

* * *

Le surlendemain, même station même principe mais rangé au rayon information. Aux aurores, autre pic d'audience, suite à l'invitation à la réflexion (bande-annonce législative) du Ministre de l'intérieur (et des auvergnats) sur l'éventualité d'une mise en place d'un couvre-feu pour mineurs de moins de 14 ans, c'est le choix de la station d'offrir une tribune sans aspérités journalistiques au maire d'une petite commune du Tarn qui a devancé "à titre expérimental" (ou promotion, à ce stade on ne sait plus très bien) les humides fantasmes de Brice.

Sont mis en avant par le maire VRP apparenté Modem que le couvre-feu "conforte l'autorité parentale", que "l'idée du ministre est bonne", qu'il "faut essayer, qu'il faut tenter" (c'est le progrès quoi bande de réacs libertaires à la con !) et, tout de même on y vient, que c'est "une société de sécurité privée qui a fait un travail de médiation" (comprendre : Des vigiles rapatrient par le colback les mômes chez eux.)

Quelle meilleure propagande pour une privatisation progressive de la police (bah oui c'est un service public comme un autre) et un auto-flicage généralisé (l'un servant la productivité de l'autre) qu'une clientèle apeurée par son ombre ou un élu prêt à manger à tous les râteliers pour s'assurer un autre mandat ? Aucune, le gouvernement l'a bien compris et laisse faire la com' en mode autonome.

Et le journaliste de conclure "en tous les cas on a compris que l'exemple fonctionnait."

Tu m'étonnes Elton.

A l'heure où il est fréquent de tomber à cerveau raccourci sur le grand méchant internet, penchons nous sur ces radios...

D'un côté, une information virant vite à l'édulcoration positive des projets gouvernementaux les plus liberticides et ouvrant sans retenue ses micros aux bêta-testeurs du tout sécuritaire.

De l'autre, des programmes autoproclamés de "libre antenne" constitués de témoignages d'auditeurs dont on ne sait rien et qu'il faut croire sur parole, permettant aux stations de se dédouaner d'une analyse fastidieuse et / ou politiquement embarrassante tout en passant pour des humanistes.

Question : Au nom de la démocratie des auditeurs et pour confirmer l'extrême décontraction gouvernementale, le retour de la peine de mort sera t-il validé par textos surtaxés dans les "Grandes Gueules" ?

Réponse : Probable.


[1] oui parce que cette fausse nouvelle destinée à sonder la nature des oppositions et préparer les opinions vient des Alpes-Maritimes, Toute accusation de stigmatisation d’une catégorie de citoyens et d’un certain électorat ne serait que caricature comme ils disent à la radio.

[2] Au sujet des fortes potentialités de dérapage des comités de vigilance citoyenne : La Zona.

[3] Mouahahaha !

[4] Hormis un rocambolesque épisode sur tournage, à base de cow-boy trépané de la police locale (privée ?) de Neuilly sur S. à l'époque où un roitelet de maire aujourd'hui monarque bananier "expérimentait" ses méthodes de gestion préventive, je n'ai pas trop eu à en souffrir.

[5] Votre rédacteur a été cambriolé une fois. Il habitait alors en zone pavillonnaire. li s'avère que le coupable était le fils du voisin.

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