30 octobre 2006

UN SILENCE DE MORT

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La famille est un cloaque sordide. Aux repas familiaux, je m’empêche de hurler aux propos ineptes de mon père, imbibé de suffisance et d’inculture générale, sur les années de prison qui attendent ces jeunes cons qui brûlent des bus, lui n’en a pas pris un depuis 1954. Bus cramés épisodiquement et parce que les jeunes damnés de la terre n’ont que ça sous la main mais cela les médias anxiogènes à la solde des prochains élus, tous autant qu’ils sont avides d’un chaos qui les renforcent, ne le précisent pas. A quelle audibilité peut prétendre ma voix au milieu des clameurs haineuses pointant enfin à la surface familiale parce que, selon les sondages, elles sont partagées par la plupart, la partie qui compte, celle qui votera à 50,1 % pour le vainqueur : le nouveau président dictateur général ? Je me tais, je repense à ce chapitre de George Palante* dans ce petit recueil épuisé que me prête Grand François, hier dans la soirée :

« L’attitude individualiste telle que nous l’avons définie est surtout une attitude défensive. La grande arme de défense de l’individualiste contre les empiètements et les contacts sociaux est l’indifférence et le mépris. Le mépris individualiste est un mur que l’individualiste, fort du sentiment de son unicité élève conte son moi et celui des autres. Lorsqu’on vit dans certains compartiments sociaux, il est indispensable de s’envelopper d’une cuirasse de dédaigneuse impassibilité. Le mépris individualiste est une volonté d’isolement, un moyen de garder les distances, de préserver son être intime, sinon des êtres physiques, du contact de certaines et de certaines gens (…)

Dédaigneux de l’opinion en général, l’individualiste honore d’un mépris spécial l’opinion de certains groupes qui le touchent de plus prés, qu’il connaît bien et dont il a pénétré à fond les petitesses, les hypocrisies et les mots d’ordre.

Le mépris de l’individualiste pour les groupes s’oppose au mépris des groupes pour le non-conformiste, pour l’indépendant, l’irrégulier, pour celui qui vit en marge de son monde. Le mépris des groupes est un mépris grégaire dispensé selon les préjugés, selon ce qu’on croit exigé par l’intérêt ou le bon renom du corps ou ce qu’on fait semblant de croire tel. Le mépris de groupe est un mépris rancunier vindicatif, qui ne lâche jamais son homme, car, comme on l’a dit avec justesse, « les individus pardonnent quelquefois, les groupes jamais ». Le mépris de groupe est dicté par l’égoïsme de groupe. On méprise celui qui fait bande à part, se soustrait à l’esprit de corps et ne s’en soucie pas. Le mépris individualiste est désintéressé et dicté seulement par une antipathie intime pour la bassesse et l’hypocrisie ; il oublie volontiers l’objet de son mépris et est accompagné de la sensation d’un immense éloignement entre soi et ce qu’on méprise et du désir de s’en tenir le plus éloigné possible. »

LA MERE
Qu’est-ce qu’il vous a fait comme dessert Grand François ?

* La sensibilité individualiste, George Palante 1909

27 octobre 2006

CHARLOTTE FOR EVER (...AND EVER)

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Enième avatar de la dynastie des chevaliers des arts et lettres, la trentaine bien entamée, une fois ses doubles enfantements en orbite nourricière et l’ombre influente de son père estompée, c’est l’heure du retour marketing sous les feux de la rampe de propulsion jet-set de Charlotte Gainsbourg, fille de poète génial.

Entre deux blockbusters sans prétention* dont elle partage la double affiche avec l’ex-présentateur, néo-auteur-acteur-producteur-realisateur de films grand public et documentaires intimistes, Alain Chabat, lui-même descendant divin du saint-esprit canalplusien, la fille de, bien décidée à faire oublier son patronyme, débute en fanfare - mais en toute humilité - une carrière de chanteuse sur les traces sans voix de sa mère Jane Birkin. Pour sa première performance en public, elle est l’invitée principale d’une émission de télévision à audience millionnaire garantie.

En coulisses, Charlotte est anxieuse. La débutante devrait pourtant se sentir en confiance. Depuis deux mois, the song that we sing, son efficace single prétexte à un album bobo pleureur produit par Air, est matraqué sur toutes les ondes radiophoniques, des radios rock aux périphériques. Il est temps pour les cyniques de fructifier l’investissement et de passer à la vitesse supérieure. A l’image de la promotion au marteau des blockbusters cinématographiques, la débutante est donc l’invitée obligée des plateaux prime-time des plus grandes chaînes de télévision.

Backstage, tandis que ses musiciens confirmés répètent le morceau, Charlotte se ronge les ongles. Son mari, Yvan Attal, acteur-réalisateur bankable, ami d’Alain Chabat et de Johnny Depp, la supporte en régie et dans la vie en général. Tout se passe dans la simplicité de ces artistes à haut débit. Que se passe t-il dans la tête de Charlotte au moment où elle entre en scène en habit du peuple, jeans et chemise délavée ? Elle entame d’une voix fluette le couplet de 5.55, morceau moribond qui donne le ton de l’album. Derrière les moniteurs, la petite cour ne dit rien. Ils ont beau tous être millionnaires ou rentiers, ils n’en restent pas moins des gens avec un sens auditif standard voir une sensibilité. Tout ce foutoir discordant sur lequel dégouline une voix chuchotée doit les accabler. C’est médiocre. Et dire qu’au même moment dans le château de la Star Academy, une multinationale fait faire des pompes à des apprentis chanteurs en leur inculquant qu’il faut y voir la condition obligatoire pour accéder à ces mêmes plateaux télés. Ces aspirants vedettes ont surement bien plus talent que Charlotte mais eux n’ont pas - encore - la la carte du parti aristocratique. C’est pour cela qu’ils ont droit au bizutage sous caméra de surveillance sur le canal payant de l’émission de real tv.

Dans ce monde, pour que l’individu accède à la reconnaissance sociale, seuls comptent sa lignée et / ou son aptitude à se soumettre. Pour Charlotte, fille de noble, pas de pompes à sept heures du matin, pas de plans lubriques en caméra infra-rouges au pied de son lit alors qu’elle vient d’être réveillée par la sirène tonitruante de Big Brother : ce serait trop dégradant. Pour l’aristocratie jet-set - les people - ces émissions de real-tv où le peuple, s’il survit aux éliminations et aux humiliations, peut accéder à une notoriété égale ou supérieure à la sienne, sont le summum de l’abjection du monde contemporain. La nouvelle aristocratie ne s’arrête même pas à ces considérations. Comme l’implique sa définition, elle voit tout cela de haut. Il faudrait de temps à autre qu’un journaliste - si ce mot à encore une signification - lui rappelle que, heureusement pour cette aristocratie, il y a régulièrement des wagons de star-academiciens sur le dos desquels un cartel de multinationales des télécommunications vends ses émissions de flux et de plateaux, ses numéros surtaxés et ses palettes de cd en supermarché, pour que gens du marais puissent s’offrir le privilège de pousser la chansonnette en boucle sur la quasi-totalité des ondes nationales.

Une fois de plus, que faire ? Du spectateur qui se soumet de bonne grâce au lobby qui impose de bonnes crasses : tous y trouvent leur compte.

Jeudi prochain, à quelques mois du chaos, à l’heure crépusculaire où la haine des sept millions de travailleurs pauvres, des minorités bafouées en ghettos et des jeunes sacrifiés sur l’autel du profit de leurs aînés moralisateurs, est palpable jusque dans les rues les plus bourgeoises, envoyé spécial, émission phare d’investigation proposée par la première chaîne du service public, offre à son audience, supposée conquise et docile, une grande enquête polémique : de la difficulté d’être un fils de.

Je dois être fou de ne pas vouloir me joindre à la grande partouze du bonheur consommable.

* La science des rêves de Michel Gondry (2006) et Prête moi ta main d’Eric Lartigau (2006)

24 octobre 2006

DECEPTIONS DE CAMPAGNE

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Quelle déception ! Cette campagne à l’élection présidentielle fond dans la mièvrerie d’un caricatural championnat de démagogie. La Royale propose l’instauration de jurys populaires qui statueraient sur les actes des élus. Pourquoi pas ? Et pourquoi ne pas tirer au sort, directement au sein du peuple de 18 à 81 ans, le prochain président de la république ? Pourquoi pas ?

A l’issue du visionnage du documentaire polémique de Patrick Rotman consacré à Chirac et qui se veut un enterrement en première classe d’une éventuelle troisième candidature présidentielle du président impotent, je sors avec une sympathie renforcée pour ce géant grotesque, socialiste contrarié et petit intellectuel honteux à moins que ce ne soit le contraire, Forrest Gump de la cinquième qui cache comme il peut un mental de killer maladroit ne vivant que pour atteindre le pouvoir. Ne l’enterrez pas encore, tant qu’elle est en vie, la bête peut mordre.

16 octobre 2006

LES VIEUX CHENES

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Je profite d’une éclaircie pour retourner courir dans la forêt de mon adolescence. Ce matin de semaine classique, j’y croise un couple de retraités anxieux, qu’on dirait forcé d’être là, carte IGN à la main le mari me demande son chemin.

LE JEUNE RETRAITE
Les étangs de Hollande c’est par où ?

AVATAR
Attendez que je me souvienne cela fait des années que je ne suis pas venu courir dans cette forêt. C’est par là au bout du chemin à cinq cents mètres ?

LA FEMME DU JEUNE RETRAITE soupirant
Ah bon…. Faut marcher ?

Pas un merci, pas un au revoir et cette génération gâtée qui a pollué les idéaux, ces enfants, cette terre et les religions, pas plus capable de décrypter une carte que d’avoir un but autre que de consommer toujours plus, veut que je sue au travail jusqu’à mes soixante dix ans pour payer des loisirs qu’elle n’a même pas la sagesse d’apprécier ?
Plus loin, sur le retour, je me range sur le bas côté pour laisser passer un troupeau d’une trentaine de cyclistes aux engins soignés et choyés. Ils sont tous appareillés des derniers accessoires à la mode et pas un a moins de cinquante cinq ans. Ils ont encore en moyenne quelques décennies à pédaler. Au fil de ma journée en Ile de France, je réalise que, à part Lou qui vient de refuser un emploi moins payé que ses allocations de chômage, je ne croise personne de mon âge.
Pour la première fois dans l’histoire de la société française, deux générations, celle des mes parents et de mes grands-parents, vont se côtoyer à la retraite dans de bons états physique et financier qui leur permettront de subsister ensembles une bonne vingtaine d’années tandis que leurs enfants paupérisés trimeront, dans le meilleur des cas, sans espoirs personnels autres que de conserver une activité professionnelle jusqu’à la fin de leurs jours.

9 octobre 2006

MIRACLE DE LA NATALITE (NOT !)

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Procréer au début du vingt et unième siècle, c’est aussi rageant que d’avoir fait son service militaire en 1995 en sachant alors que le système de conscription obligatoire s’arrêterait définitivement deux ans plus tard. A une encablure de l’utérus artificiel et de la sélection génétique sur catalogue, Lou et moi, enfantant, serions bien les derniers imbéciles heureux à perdre notre temps à pondre naturellement un chiard sur lequel nous n’aurons aucune garantie de résultat.

8 octobre 2006

LA MERE ET LA COREE

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Altercation classique avec ma mère lors du repas du soir en forteresse. Rien de bien intéressant ni de bien nouveau, je lui ai pourtant dit et répété de la fermer. La prise de parole est une prise de risque. Palabrer sans fin pour ne débiter qu’un flot de conneries ininterrompu expose le hâbleur aux foudres de l’auditoire.

* * *

Premier tir nucléaire en Corée du Nord, hébétude de la communauté internationale - enfin le club des donneurs de leçons occidentaux - totalement impuissante. Un petit rien qui fait du bien. Répétons-le, il n’y a qu’une et une seule issue pour l’homme : sa fin. Autant en finir le plus vite possible. Il en va de l’humanité comme de ma mère, je hais le bruit pour rien. Et de constater que l’homme apeuré par le vide de sa destinée et désormais de son présent, ne fait que s’agiter bruyamment. Un bon boom en pleine Europe, si cela peut faire taire les Ayatollahs de l’écologie qui me les pètent sévère avec leurs sacs recyclables et leurs leçons de morales lorsque je prends un bain au lieu d’une douche, ce sera toujours ça de gagné. Et puis rien à craindre de l’atome, n’oublions pas que les plus gros massacres de cette planète et les derniers génocides en date - à deux heures d’avion - furent effectués par des pauvres désorganisés, armés de bâtons et de cailloux.

7 octobre 2006

MIRACLE DE LA NATALITE

par
Avoir un enfant, c’est comme aller voir un film de Jean-Claude Vandamme au cinéma. Même s’il y aura deux ou trois bonnes surprises, en gros tu sais à quoi t’attendre. Tu vas voir la copie minable d’une histoire banale filmée sans budget.

6 octobre 2006

QUOTIDIEN : DANS PARIS

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J’erre convalescent dans les allées bondées du marché aux antiquités de la Porte de Vanves, dix ans après y avoir acheté pour cent francs - une broutille avant l’air du piratage numérique - le ok computer de Radiohead dont la reprise reggae par Easy star All-Stars tourne en boucle ces jours-ci sur les ondes de Radio Nova. Le marché surplombe un boulevard périphérique surchargé de petites boites fumantes et progressivement démodées que l’on appelle automobiles. Le quartier tramwayisé par un Delanoé en perte de crédibilité locale est devenu aseptisé, l’étendue verte d’un centre ville de Province. Nous tournons en boucle le long de chantiers de voirie abandonnés, évitant les flaques de fange afin de pénétrer dans le marché aux livres par la seule entrée non cadenassée sur les vingt présentes autour du square George Brassens. A l’intérieur, les livres sont chers les rares fois où les prix y sont indiqués, les marchands sont familiers mais juste entre eux puisque le client ils l’ignorent tout simplement. Tout ici pu le bobo parisien. Malgré quelques tentations et une belle affiche de Fleetwood Mac, je n’achète rien.

Sur le chemin du retour, nous croisons sur le Boulevard Brune, un homme en costume de policier, mitraillette au poing. Seul, sur de lui, analphabète avec le pouvoir de tuer. Se rappeler, que de tout temps, de toute société, les flics sont du mauvais côté.

Bougies odorantes chez Carole. Les pinpins, la maison des parents de Lou. Qu’on t-il tous avec leurs bougies roses et leurs reposes bougies qui puent ?

Le soir, repas au restaurant libanais en compagnie de nos amis du moment. Autour du mezzé, polémiques envenimées sur Johnny Halliday, le crétin belge demi-dieu des français, le futur à vélo de nos sociétés à quatre-quatre, l’uniformisation orwelienne standard de ce monde qui nous pousse à procréer histoire de faire tourner le blouclard. L'auditoire est écoeurée par mes raisonnements structurés, si rarement pris en défaut. Enfin, ils écoutent si peu.

Dans le métro crissant aux remugles d’urine tiède, je suis boueux, sale et fatigué par une semaine sans sommeil. J’écoute éteint le dernier album de Charlotte Gainsbourg, auditivement inacceptable dans tout autre cadre ou état d’abattement. Je comprends que cela plaise aux bobos parisiens.

Toute race, toute époque, tout continent, toute culture, tout âge, tout sexe, aucune exception, je n’ai aucune considération pour les miens. Quelques génies sauvent l’honneur, si peu, de moins en moins. Combien de temps encore à ce rythme ?

4 octobre 2006

QUOTIDIEN : VERDUN

par
Journée sans eau à crapahuter d’un blockhaus à l’autre, les pieds dans la boue. Je me moque de Verdun et de la grandeur de ses combats. Je marche sur les os en craignant les reste d’obus. Verdun, encore un grand pas dans l’humanité, et du pied gauche ça porte-bonheur. Je m’enfonce sous terre, évitant les chauves souris et les épis de de fer. De bien belles images parfois. Alors qu’ils découvrent un graffiti à la gloire de La France, gravé sur pierre quelques heures avant la mort de son auteur trucidé sous les baïonnettes allemandes, les deux jeunes pères de famille, sont au bord des larmes.

L’homme, une tension alternative entre barbarie et niaiserie qui me pousse à affirmer que toute connerie, même la plus fortuite, est criminelle.

Je m’enfonce péniblement dans le gros intestin souterrain du Fort de Vaux à l’abandon. Boyaux effondrés sur la gauche, puits sans fond sur ma droite, chauves souris à hauteur du nez, tiques aux pieds, complète obscurité et une humidité à couper au couteau vaporisée de gaz moutarde dillué, je n’en finis pas de descendre avec mon bardas numérique de raides escaliers aux marches de bois vermoulu. Il ne manque que la guerre pour que ce soit définitivement dangereux. Je suis un des premiers à voir ces lieux secrets en cent ans, un des derniers aussi tant l’endroit ignoré ne demande qu’à s’ébouler pour de bon.

Au fond de l’oubli, à trente mètres sous terre, une inscription :

Francis Peroche 21 / 3 / 1916.

Bientôt cent ans, la végétation reprend le dessus, la mort s’oublie. Nous nous enfonçons dans la forêt des environs jusqu’au village nègre, nom de code du Camp Marguerre, retraite allemande durant les combats. Les bâtiments sont dévorés par les branchages, rongés par l’humidité permanente de la petite Amazonie. Nous restons plus d’une heure à filmer, le temps que le soleil disparaisse. L’âme a quitté les lieux depuis longtemps, seul tient, vivace, l’imaginaire de nos nostalgiques de La grande guerre. Le souvenir ne tient à rien d’autre. Dans cent ans, fera t-on un film sur nous ? Lira t-on ces lignes ?

Le soir, je rentre à l’hôtel et bois deux bières d’affilé avant de m’enfiler un rôti de biche dans un bistrôt du centre de Verdun by night en Octobre.

3 octobre 2006

GENERATION PRECAIRE vs GENERATION CHOLESTEROL

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Le cadre cholestérolé et terrorisé sans l’avouer par une pré-retraire qui s’impose, reproche à sa fille de ne pas s’insérer dans l’organigramme d’une quelconque société d’assureurs.

Quand comprendront-ils que leur absence totale de sens critique, d’intelligence, d’initiative, en gros leur carence de vie, ne nous intéresse pas et nous intéressera jamais ?

Marié en sortant du service militaire, père à vingt deux ans, salarié dans la même société depuis prés de trente cinq, que pourrait-il écrire de la vie à part une étude sur trois décennies des comportements de soumission de ses subalternes en secteur tertiaire ?

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